De même que je vous avais proposé, il y a quelques mois, une série d'articles sur le Bakumatsu (la fin du shogunat Tokugawa, pour ceux qui n'étaient pas là), je vous propose d'entamer une série sur l'unification du Japon, en commençant par la période Sengoku (戦国時代)
La fin de l'ère Muromachi
Bien sûr, la période Sengoku pourrait à elle seule faire l'objet d'une série complète. Je vais me contenter de donner un bref aperçu de ce qui s'y est déroulé. On peut considérer que ce siècle de guerre civile commence avec la guerre d'Onin (1467-1477). Qu'est-ce que la guerre d'Onin ? Un sombre conflit privé entre deux puissants clans rivaux, les Yamana et les Hosakawa, qui fait suite à une querelle de succession chez les Ashikaga (les shogun de l'ère Muromachi). C'est un affrontement terrible qui ravage Kyoto, plusieurs fois incendiée. Le shogun n'intervient pas, préférant banqueter, quitte à perdre le peu d'autorité qui lui reste. Néanmoins, si Ashikaga Yoshimasa délaisse l'exercice du pouvoir, la culture qui se développe sous son règne constitue le berceau de ce que l'on nomme la "culture japonaise traditionnelle" (ikebana, aménagement des pièces de style japonais, etc.)
Même si leur pouvoir s'effondre, les Ashikaga ne disparaissent pas immédiatement. Certains considèrent que l'ère Muromachi et le shogunat Ashikaga s'achèvent entre la fin de la guerre d'Onin et le coup d'Etat perpétré par Hosokawa Masamoto en 1493 (destitution d'un shogun et remplacement par un shogun fantôche) ; d'autres prennent pour limite le coup de grâce octroyé par Oda Nobunaga en 1573 (j'y reviendrai).
Pendant la période Sengoku émergent deux phénomènes antagonistes : une volonté d'autonomie des couches populaires et la formation d'Etats forts autour de seigneurs de la guerre. L'un comme l'autre relèvent du phénomène de gekokujo (下克上), c'est-à-dire d'une tendance à l'inversion des hiérarchies : les seigneurs sont malmenés par leurs sujets, les grandes familles s'effondrent pour laisser la place à d'autres clans.
La recherche d'autonomie des couches populaires
La volonté d'autonomie des couches populaires prend racine dans les révoltes de la fin de la période Muromashi. Il se forme des ligues, débouchant sur d'autres formes d'organisation collective, capables d'administrer en toute autonomie des communes ou des régions. Dans les campagnes comme dans les villes, on voit aussi émerger des classes moyennes de notables, : jizamurai (samouraïs autoproclamés de village, dont les intérêts restent au départ proches de ceux de la paysannerie), ou encore sodai, (riches marchands des villes).
Les intérêts des communautés urbaines et rurales s'avèrent antagonistes à la fin du 15e siècle. Des sectes bouddhiques soutiennent les uns ou les autres, s'opposant violemment à cette occasion (secte Ikko pour la paysannerie, secte Hokke pour les villes).
L'émergence des seigneurs de la guerre
Parallèlement, on voit émerger des seigneurs de la guerre. Qu'ils soient d'origine modeste ou de noble lignée, ils contrôlent en toute indépendance, sans être vassaux de qui que ce soit, un territoire qu'ils administrent et cherchent à étendre, par la diplomatie, la ruse, et surtout par la force. Ils deviennent les suzerains de tous les guerriers de leur territoire et leur maintien dépend en grande partie de leur autorité et de la qualité des relations qu'ils nouent avec leurs vassaux. Parmi eux, on peut citer Hôjô Sôun, Takeda Shingen (que Tokugawa Ieyasu considère comme un maître à dépasser), Uesugi Kenshin, les Mori, et bien entendu, les trois grands généraux cités en introduction.
L'émergence de ces seigneurs de la guerre va avoir pour effet d'écraser toutes les formes d'autonomie mentionnées plus haut. Nobunaga et Hideyoshi brisent les communes paysannes, la secte Ikko, les villes libres, pour donner naissance à un nouveau pouvoir fort et centralisé que va conforter Ieyasu. En unifiant l'archipel, les trois hommes mettent également fin à un siècle de guerres civiles.
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Voilà pour le contexte. A venir, un portrait de chacun des trois grandes figures de l'unification. それでは、また。
Sources :
Histoire du Japon des origines à nos jours, sous la dir. de Francine Hérail, Hermann, 2010
Dictionnaire historique du Japon, coll., Maisonneuve et Larose, 2002.
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