La question du jour est la suivante : comment déterminer la clé d'un kanji ? Je ne vous parle pas d'identifier les différents éléments qui le composent (même si c'est un préalable) mais de trouver, parmi eux, quelle est la clé ou plutôt le bushu (部首) puisque c'est ainsi que cela s'appelle en japonais.
A quoi ça sert, me direz-vous ? Pas à grand-chose, à vrai dire, si ce n'est à passer le kanken (une des épreuves consiste à déterminer la clé, dont il faut en outre connaître le nom japonais) ou à chercher efficacement dans un vrai dictionnaire de kanji (par ex, le 新漢語林 dont j'ai parlé ici), surtout un dictionnaire papier. On peut très bien s'en passer. Il existe des logiciels qui prennent en entrée un copier-coller, qui font des recherches sur n'importe quel élément du kanji sans se préoccuper de la clé ou qui reconnaissent un caractère écrit manuellement (mais il faut s'appliquer et respecter un minimum l'ordre des traits, tout de même).
Personnellement, si je me suis penchée sur cette question, c'est par amour de l'art. Dans la grande majorité des cas, on peut, avec un peu d'entraînement, deviner sans trop de problème quel est le bushu, car il s'agit souvent (mais pas toujours) de l'élément le plus simple et le plus évident. Par exemple, la clé de 懲 est 心、celle de 彩 est 彡. Mais il y a aussi de nombreux cas où on ne peut s'en tenir à cette simple observation. Ainsi le bushu de 酒 (sake) n'est pas 氵mais 酉; le bushu de 養 est n'est pas 羊mais 食. Ce constat m'a incité à chercher des règles (ma grande passion :-) ). Et j'en ai trouvé.
Pour commencer, vous pouvez lire ici une brève introduction sur les clés, une autre un peu plus complète sur ce site, et consulter une liste des clés classées par nombre de trait, avec leur nom en japonais (avec traduction ici).
La première règle, qui coule de source, c'est qu'un kanji qui figure lui-même dans la liste des bushu est sa propre clé. Ça paraît évident, mais il ne faut pas l'oublier : ainsi, le bushu de 骨 n'est pas 月 comme on pourrait le croire, mais 骨 lui-même, parce qu'il fait partie de la liste des bushu. La seconde règle, c'est que la partie du kanji qui en indique le sens est généralement la clé. Dans ce cas, il paraît logique que la clé de 酒 soit 酉(qui désigne en autres un récipient contenant de l'alcool). C'est particulièrement vrai pour les kanjis de type 形声. Quézaco ? Cela fait référence à la structure du kanji.
La composition des kanjis
Il y a quatre types de kanjis :
- les idéogrammes (représentation d'une image) ou 「象形」, Ex : 山
- ceux qui représentent une notion abstraite, appelés 「指示」 ou 「指事」 Ex : 四, 上
- ceux qui assemblent deux unités de sens, appelés 「会意」 Ex : 男, qui assemble champ + force (parce que l'homme utilise sa force dans les champs)
- ceux qui allient une unité sémantique avec un son 「形声」. Ex : 河 (fleuve), composé氵(élément sémantique)+ 可 (élément phonétique).
Cette dernière catégorie est la plus courante. La partie qui donne le sens est appelée 意符 et la partie qui donne le son 音符 (ou 声符). De manière tout à fait logique, les kanjis possédant le même élément phonétique se prononcent généralement de la même façon, comme je l'ai expliqué ici.
Déterminer la clé d'un kanji de type 形声
Dans la plupart des cas, c'est la partie sémantique qui constitue la clé du kanji. Par exemple :
- dans le kanji 観(regarder, condition, point de vue), le sens est donné par 見 (voir). Donc la clé est 見.
- dans le kanji 現 (apparaître, actuel), le sens est donné par 王, donc la clé est 王 (ou plutôt 玉, parce que 王 est rattaché à 玉).
Si l'on parvient à deviner quelle partie donne son sens au kanji, il est donc facile de trouver la clé. Encore faut-il savoir quelle est la partie sémantique... Si dans le premier cas (観), il semble assez logique que ce soit 見, dans le second (現), ce n'est pas du tout évident...
Pour pouvoir utiliser cette règle, il faut donc rapprocher les kanjis de même prononciation. Exemple :登 et 頭 ont tous les deux トウ comme on-yomi et 豆 comme élément commun. On peut en déduire que dans chacun de ces kanjis, la partie phonique est 豆. Comme l'élément phonique n'est pas la clé, alors, la clé, c'est ce qui reste 癶 pour 登 et 頁 pour 頭.
Si je reprends l'exemple de 養, je peux suivre le raisonnement suivant : 養 se prononce よう. Or 洋, 詳 se prononcent aussi よう (lecture ON). Donc 羊 est l'élément phonétique, et par conséquent le bushu n'est pas 羊 >mais 食. Elémentaire, mon cher Watson.
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Le but du jeu, vous l'aurez compris, est donc d'identifier la partie phonique, un peu plus facile à déceler que la partie sémantique. Je pourrais multiplier les exemples. Je pourrais sans doute aussi trouver des cas où cela ne marche pas. Evidemment, cela exige de bien connaître les prononciations et de faire une sacrée gymnastique. C'est pourquoi j'ai dit en introduction que cet article s'adressait aux otaku des kanjis et aux amateurs de kanken. Les plus motivés peuvent d'ailleurs aller lire en V.O. les articles dont je me suis inspirée pour rédiger ce post (vous pensez bien que je n'ai pas trouvé ça toute seule !) : l'un est très complet et l'autre plus esthétique et peut-être plus simple à comprendre.
Voilà, je ne sais pas si cet article sera utile à certains, mais pour ma part, j'ai pris beaucoup de plaisir à faire cette recherche et à m'immerger un peu plus dans le monde merveilleux des kanjis ! それでは、また。
2 commentaires:
Bonsoir, merci pour la rédaction de cet article. Il m'a bien aidé à comprendre comment se construisent les kanjis.
Merci Lili, oui c'est très utile pour les gens comme moi qui se posent toujours la question du pourquoi des choses !
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