jeudi 12 décembre 2013

Hyakunin isshu, poème n°4 : 田子の浦に


Hokusai, Trente-six vues du Mt Fuji, Côte de la baie de Tago,
via Wikimedia Commons
Voici un poème hivernal invitant à la flânerie et à la contemplation. Il a été composé par Yamabe no Akahito (山辺赤人), un poète de la période Nara, mort en 736. Il s'agit en fait d'une variante du poème n° 318 du Man'yôshû, un des tous premiers poèmes célébrant le mythique Mont Fuji.

田子の浦に
うち出でて見れば
白妙の 
富士の高嶺に
雪は降りつつ 

(たごのうらに うちいでてみれば しろたえの ふじのたかねに ゆきはふりつつ)

Quelques explications :


田子の浦に : la baie ou la plage (浦) de Tago (田子) est réputée pour sa vue sur le Mt Fuji. Il en est fait mention dans plusieurs poèmes du Man'yôshû (n° 297, par exemple). Le lieu se situerait sur la côte de l'actuelle préfecture de Shizuoka. に marque le lieu. On peut noter que ce vers, comme le suivant, a une syllabe de trop (字余り en japonais) ;
うち出でて見れば : うち est un préfixe qui accompagne 出づ. Pour certains, il est dépourvu de sens déterminé et a pour seul rôle d'ajuster le ton du mot suivant (ne m'en demandez pas plus), pour d'autres, c'est un préfixe à sens variable qui donnerait ici la nuance de sortir dans un vaste espace. 出で est la renyou-kei 出づ (出る, sortir, en japonais moderne) liée à 見れば par la conjonction て. 見れ est la izen-kei de 見る (voir) et la particule ば a ici un sens temporel : "sortant sur le rivage de Tago, j'ai vu"...
白妙の : makura-kotoba (枕詞, mot-oreiller) de 雪 (neige) et par extension du sommet du Fuji couvert de neige. 白妙の est l'équivalent de 真っ白, immaculé, d'une blancheur étincelante, comme je l'ai expliqué plus en détail dans le poème n°2, 春すぎて ;
富士の高嶺に : 富士, le mont Fuji, の marque le complément de nom, 高嶺, litt. haut pic, donc le sommet ;
雪は降りつつ : 雪, la neige, 降り est la renyou-kei de 降る, tomber et つつ indique la réitération et la continuité de l'action..

Il n'est pas possible, depuis la baie de Tago, de voir la neige tomber sur le sommet du Mont Fuji, car dans de telles circonstances, la cime est bien sûr dissimulée par les nuages. Dans la version du Man'yôshû, la neige est tombée, plutôt qu'en train de tomber, ce qui paraît plus logique. Selon René Sieffert, il est possible qu'Akahito n'ait vu le Fuji que sur des peintures de paravent. De nombreux poèmes étaient d'ailleurs composés de cette manière plutôt que d'après nature, les auteurs fantasmant des lieux réputés et lointains. Voilà une traduction possible :

Au rivage de Tago
m'en allant j'ai vu
sur la cime du Fuji
d'un blanc immaculé
tomber la neige

Et pour finir la lecture du poème :



Index en romaji : tago no ura ni uchi idete mireba shiro tae no fuji no takane ni yuki ha furi tsutsu

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