mardi 25 novembre 2014

Hyakunin isshu, poème n°21 : 今来むと


Encore un poème d'amour déçu, celui d'une femme qui attend vainement son amant, thème très classique. Pour autant, ces vers n'ont pas été écrits par une femme, mais par un homme, le moine Sôsei (素性法師, litt. maître de la loi Sôsei),  fils d'un autre moine poète, Henjô (poème n°12). Belle occupation pour un moine que d'écrire des poèmes d'amour, n'est-ce pas ? Enfin, à cette époque-là (la première moitié de l'ère Heian), les moines d'un tel rang sont plutôt des lettrés qui ont fait leurs armes à la cour, issus de grandes familles, comme jadis notre haut clergé. De plus chacun devait être capable de composer sur n'importe quel sujet, indépendamment de toute situation réelle. On ne sait rien du contexte de ce poème, qui figure dans le Kokinshû (n° 691).


今来むと
言ひしばかりに
長月の 
有明の月を
待ち出でつるかな


いまこんと いいしばかりに ながつきの ありあけのつきを まちいでつるかな


今来むと : 今 a ici le sens de すぐに、tout de suite ; 来む est composé de 来 (こ), mizen-kei de 来 (く), venir (来る en langue moderne) et l'auxiliaire verbal む, qui exprime ici la volonté, l'intention. と marque la citation, en rapport avec いひ au vers suivant ;
いひしばかりに : いひ est la renyou-kei de いふ, dire (言う en langue moderne) ; c'est l'amant qui a dit quelque chose ; し est la rentai-kai de き, auxiliaire verbal exprimant le passé ; ばかり, seulement ; に exprime la cause ; ばかりに signifie donc "pour cette raison seulement"
長月の : 長月 désigne le 9e mois de l'ancien calendrier japonais, ce qui correspond à peu près au mois d'octobre (jusqu'à début novembre), lorsque les nuits commencent à être longues (長), comme l'attente de cette malheureuse femme ; の marque le complément de nom ;
有明の月を : 有明の月 désigne une lune (月), apparaissant tardivement dans la nuit et de ce fait toujours présente quand l'aube (有明) se lève ; を marque le complément d'objet ;
待ち出でつるかな : 待ち出で (renyou-kei) est une construction complexe puisque le sujet de 待ち, attendre, est la femme et que le sujet de 出で, sortir, est la lune. つる, rentai-kei de l'auxiliaire verbal つ, exprime l'accomplissement. かな est une particule emphatique traduisant l'émotion, la déception. Ce dernier vers a globalement le sens de "je t'ai attendu tant et si bien j'ai fini par voir la lune se lever !"

Pas trop de pièges dans ce poème, pas de jeux de mots alambiqués, ce qui est plutôt rare dans les poèmes d'amour. C'est plus reposant et tout aussi beau. Je vous propose la traduction suivante : 

"Je viendrai sans délai"
pour cette seule parole
en ce mois aux longues nuits
jusqu'à ce que paraisse
la lune de l'aube, je t'ai attendu.


Index en romaji : ima kon to iishi bakari ni nagatsuki no ariake no tsuki wo machi-idetsuru kana

4 commentaires:

Wowürze a dit…

Les poèmes japonais ce n'est pas toujours facile d'y rentrer. mais c'est le cas de la poésie en général !

J'aimerai cependant beaucoup lire le Haïku d'Hijikata Toshizo à l'occasion !

bern a dit…

Je découvre votre blog, je le trouve formidable. Je n'apprends pas le japonais mais étudie la calligraphie chinoise depuis longtemps et japonaise depuis un an. Mon travail du moment est de recopier les cent poèmes. Je n 'aime pas calligraphier sans comprendre. Vos informations me sont précieuses.
Je n'ai pas trouvé le poème 17... pas entre le 16 et le 18 en tous cas.
Merci, merci de partager vos connaissances et recherches, je n'ai pas trouvé l'équivalent en librairie.
Bernadette

Lili a dit…

Bonjour,
Je suis heureuse que mon blog vous soit utile. Vous trouverez le poème 17 ici : https://sukinanihongo.blogspot.com/2016/01/hyakunin-isshu-poeme-17-chihayaburu.html
Bonne calligraphie !

bern a dit…

merci Lili!