jeudi 10 mars 2016

Hyakunin isshu, poème n° 42 : 契りきな


Voici un poème de Kiyohara no Motosuke (清原元輔), papa de la célèbre Sei Shônagon, que nous retrouverons au poème 62. Ce poème publié dans le GoShûishû (n° 770), s'adresse à une femme dont les sentiments ont changé et a été écrit pour quelqu'un autre, l'auteur se substituant à l'amant trahi.

契りきな
かたみに袖を
しぼりつつ
末の松山
波越さじとは


(ちぎりきな かたみにそでを しぼりつつ すえのまつやま なみこさじとは)

契りきな : 契り est la renyou-kei de 契る, qui signifie promettre. Il s'agit ici d'une promesse entre deux amants éplorés. き (shûshi-kei) marque le passé et la réminiscence. な souligne l'émotion ;
かたみに袖を : équivalent de 互いに, réciproquement, mutuellement ; 袖 désigne la manche, en l'occurrence les amples manches des vêtements de l'époque Heian, fort commodes pour essuyer les larmes. Le mot "larmes" ne figure pas dans le poème, mais le vers suivant ne laisse aucun doute au sujet de cette métonymie ; を marque le complément d'objet ;
しぼりつつ : しぼり, renyou-kei de しぼる signifie essorer, presser, つつ indique la réitération et la continuité de l'action. Ces manches sont tellement trempées de larmes qu'on ne cesse de les presser. On passe donc de la métonymie à l'hyperbole...
末の松山 : il s'agit cette fois d'un nom de lieu dans la préfecture de Miyagi (宮城県). Ce mont est ici considéré comme inaccessible à la vague qui vient au vers suivant.
波越さじとは : 波, c'est la vague. 越さ est la mizen-kei de 越, "passer, dépasser" et じ est une négation. とは marque la citation et se rattache au premier vers : on s'était promis qu'aucune vague ne passerait Sue no Matsuyama.

Pour comprendre ces deux derniers vers, il faut se reporter au poème 1093 du Kokinshû :

君をおきて  あだし心を  我がもたば  末の松山  浪も越えなむ 
Quand jusqu'à vous abandonner je pousserai l'infidélité, sur Matsuyama de Sue, les vagues passeront. (trad. G. Bonneau, Préface au Kokinshû, p. 56)

Se promettre que les vagues ne passeront pas Sue no Matsuyama, c'est donc se promettre que l'on restera fidèle, que les sentiments ne changeront pas.
 
Je vous propose la traduction suivante :

Nous avions promis,
pressant l'un l'autre nos manches
trempées de larmes,
que nulle vague ne passerait
le mont Sue-no-matsu

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