mercredi 11 janvier 2017

Hyakunin isshu, poème n° 64 : 朝ぼらけ



Aujourd'hui, petit break dans les poèmes d'amour, avec ce poème hivernal du moyen conseiller surnuméraire Fujiwara no Sadayori (権中納言定頼), fils de Kintô (poème 55). Notons que c'est à ses taquineries que répondait Koshikibu dans le poème 60.

Selon le Senzaishû (n° 419), ce waka aurait été composé alors que Sadayori se trouvait près de la rivière Uji.



朝ぼらけ
宇治の川霧
たえだえに
あらはれわたる
瀬々の網代木

あさぼらけ うじのかわぎり たえだえに あらわれわたる せぜのあじろぎ

朝ぼらけ : l'aurore. Désigne le moment où le soleil commence à se lever, jusqu'au matin ;
宇治の川霧 : 宇治 (Uji) désigne l'actuelle 宇治市, une ville de la banlieue de Kyoto, où l'on trouve notamment une rivière 川. C'est cette dernière qui est évoquée ici. 霧, c'est la brume, le brouillard d'automne. On parle ici de la brume qui s'élève au-dessus de la rivière au matin lorsqu'il fait froid ;
たえだえに : たえだえ signifie par intermittence. Cela se rapporte au verbe du vers suivant. に marque le complément de temps ;
あらはれわたる : あらはれ est la renyou-kei d'あらはる (現れる en langue moderne), apparaître. わたる (rentai-kei) ajoute une nuance assez abstraite d'étendue de temps ou d'espace dans laquelle se déroule cette action. On peut imaginer que cela désigne ici toute la largeur de la rivière, ou tout le champ de vision du poète ;
瀬々の網代木 : 瀬々 désigne les endroits où la rivière est peu profonde, avec des bancs de sable où se forment des rapides ; 網代木 (ajiroki) est une spécialité de la rivière Uji. Chaque année, de l'automne à l'hiver compris, les jeunes ayu nés dans le lac Biwa suivaient la rivière Uji pour atteindre la baie d'Osaka. Ces poissons étaient pêchés et versés en tribut à l'empereur. Plutôt que d'utiliser un filet, les pêcheurs plaçaient dans les endroits peu profonds de la rivière des piquets (網代木) disposés en V, auxquels ils accrochaient une sorte de natte de bambous et de roseaux (vous trouverez ici une illustration). Les ajiroki ont acquis le statut d'objet de saison 風物詩 et l'endroit celui de 名所 (lieu réputé pour sa beauté). On en trouve déjà mention dans le Man'yôshû (poème n°264).

Nous avons donc l'image d'une rivière embrumée à l'aurore. La brume s'éclaircissant par intermittence, çà et là apparaissent les piquets, et notre poète se réjouit du spectacle...

Au petit matin
sur la rivière d'Uji
le brouillard çà et là
laisse entrevoir les claies
dressées dans le courant

Index en romaji : asaborake uji no kawa-giri taedae ni araware wataru seze no ajirogi

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