jeudi 9 novembre 2017

Hyakunin isshu, poème n° 85 : 夜もすがら



Après une courte pause, voici le grand retour de l'amour, avec ce poème de Shun'e Hôshi (俊恵法師, le maître de la loi Shun'e). Shun'e était le fils de Minamonoto no Toshiyori et fut le maître de Kamo no Chômei, qui rapporte nombre de ses propos dans le Mumyô Shô (Notes sans titre, excellente traduction publiée chez le Bruit du temps). Si l'auteur est bien un homme, il adopte dans sa composition le point de vue d'une femme qui attend son amant (lequel ne vient pas, bien entendu). Ce poème figure également dans le Senzaishû (n° 766).


夜もすがら
もの思ふころは
明けやらで
閨のひまさへ
つれなかりけり 


(よもすがら ものおもうころは あけやらで ねやのひまさえ つれなかりけり) 

夜もすがら : 夜, la nuit ; すがら du début à la fin ; 夜もすがら est une expression qui signifie "toute la nuit" ;
もの思ふころは : もの思ふ, ce sont les pensées d'amour, le tourment amoureux, une expression que nous avons déjà rencontrée maintes fois ; ici la forme verbale est à la rentai-kei ; ころ indique ici la continuité de l'action ;
明けやらで : 明けやら est composé de 明け, renyou-kei de 明く (le jour se lève) + やら, mizenkei de やる qui a ici le sens de "faire complètement" ; à cela se raccroche la négation で : le jour tarde à se lever ;
閨のひまさへ : 閨 / ねや, c'est la chambre à coucher ; ひま, interstice, の marque le complément de nom ; さへ (さえ) a le même sens qu'en langue moderne (même) ;
つれなかりけり  : つれなかり est la renyou-kei de つれなし qui donne つれない (indifférent, froid) en langue moderne ; けり exprime l'exclamation et l'émotion.

La dame a passé la nuit à se demander si son amant allait venir ou pas ; le jour tardant à se lever - quand on ne dort pas, la nuit paraît longue - aucune lumière ne pénètre dans la chambre (par la fente de la porte, par des fentes dans les murs faits de planche ?) pour annoncer à la malheureuse la fin de cette cruelle attente. De ce fait, elle a l'impression que même l’interstice entre les panneaux coulissants de sa chambre se montre cruel et indifférent à son égard. Il ne reste plus qu'à dire tout cela en vers...

Toute cette nuit
j'ai ressassé mes pensées...
le jour tardant à s'y glisser 
même la fente de ma porte
m'a paru cruelle

Index en romaji : yomosugara mono omofu koro ha akeyarade neya no hima sahe tsurenakari keri

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