samedi 28 septembre 2013

Tatsumi




Tatsumi est un film d'animation réalisé par Eric Khoo et consacré à la vie du mangaka Tatsumi Yoshihiro. C'est en fait une adaptation de son manga autobiographique, Une vie dans les marges (que je n'ai pas lu à ce jour). Le film rend hommage à l'auteur (qui prête sa voix à la narration) et constitue une bonne introduction à son œuvre.

Synopsis


De manière originale, le film mêle des scènes de la vie de l'auteur avec des versions animées de quelques-unes de ces œuvres.
La partie biographique évoque la passion du jeune Tatsumi pour le dessin, sa difficulté à faire son chemin et à vivre de son art, ainsi que l'invention d'un genre, le gekiga (qui n'aurait guère plu à Osamu Tezuka). L'univers de Tatsumi est sombre - c'est le moins que l'on puisse dire - cru et dur. Ses histoires s'adressent aux adultes et pour éviter toute critique du genre "mais que mettez-vous entre les mains de nos enfants", il était important de distinguer ce type d'histoire des autres mangas. D'où l'invention du terme gekiga 劇画, drame en images, 劇 étant un kanji que l'on retrouve dans 時代劇 (jidaigeki, drame historique) ou dans 劇場 (théâtre).

Des exemples de gekiga, justement, le film en donne à travers l'adaptation de cinq histoires de Tatsumi, autant de courts métrages saisissants qui ne laissent pas indifférents. Comme je le disais plus haut, la tonalité est sombre, très sombre, l'ironie est cruelle, l'espoir absent : pas de place pour les perdants. La deuxième histoire, Monkey mon amour, sorte de métaphore de l'individu broyé par le groupe, est particulièrement dure, quoique les autres ne le soient guère moins.

Commentaires


L'alternance entre biographie et fiction confère au film un rythme un peu étrange, mais ce mélange permet d'aborder sous plusieurs angles un genre peu mis en avant, particulièrement dans l'animation. De cette œuvre ressort aussi une autre image du travail de mangaka, assez éloignée de celle que véhicule Bakuman, pour la bonne et simple raison qu'il ne s'agit pas vraiment du même métier : les héros de Bakuman, entourés de leur éditeur et d'une tripotée d'assistants, écrivent pour le Jump, et s'ils tentent d'affirmer leur style, ils cherchent surtout à plaire, s'adaptant aux sondages de popularité comme à la concurrence. L'orientation est avant tout commerciale, comme celles de beaucoup de manga, ce qui ne signifie d'ailleurs pas que ces derniers soient dénués de qualités pour autant, loin s'en faut.

Néanmoins, l'oeuvre de Tatsumi est d'une autre nature. Pour l'auteur, il s'agit moins de plaire que d'exprimer à travers le dessin ce qu'il a sur le cœur et dans la tête. Son travail est solitaire, et dans les interviews bonus, il insiste beaucoup sur cet isolement qui semble lui peser, même si l'on sent bien qu'il pourrait difficilement procéder autrement ; il se dit peu apte au travail d'équipe (on le croit volontiers) et mal à l'aise dans les relations mondaines (les remises de prix, par exemple). Tatsumi insiste aussi sur les difficultés financières de sa vocation : le métier ne rapporte pas ou peu. Même si l'argent ne fait pas le bonheur, en manquer constamment est rarement source de joie. Au final, lorsqu'on lui demande s'il choisirait le même métier dans une seconde vie, Tatsumi répond non, ce qui peut surprendre de la part d'un homme dont le talent est reconnu, et qui a consacré sa vie à sa passion. Mais Tatsumi n'est pas du genre à voir la vie en rose...

****

A mes yeux, Tatsumi (le film) constitue avant tout une introduction  : à une œuvre, à son auteur et à un genre. Pour aller plus loin, il faut se plonger dans les mangas de Tatsumi, qui ne sont pas légions en français, mais dont on peut tout de même trouver quelques exemples. それでは、また。

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