Nous attaquons aujourd'hui le 6e poème du Hyakunin Isshu. L'auteur, le Moyen conseiller Yakamochi (中納言家持, Chûnagon Yakamochi) est considéré comme le compilateur final du Man'yôshû, où il est très bien représenté (plus de 400 poèmes).
Pour comprendre ce waka, il faut connaître l'histoire du bouvier et de la tisserande, une légende chinoise que je vous invite à découvrir ici, et dont il existe maintes versions. Ce qu'il faut retenir, c'est que le bouvier et la tisserande, qui s'aiment d'un amour aussi tendre qu'interdit, ont été séparés par une divinité furieuse, qui a tracé entre eux la voie lactée. Néanmoins, une fois par an, la septième nuit du septième mois (lunaire), des oiseaux assez similaires à des pies, se réunissent et étendent leurs ailes pour former un pont permettant aux deux amants de se retrouver. Cette date est célébrée en Chine comme au Japon (Tanabata, le 7 juillet ou le 7 août).
鵲の
渡せる橋に
置く霜の
白きを見れば
夜ぞ更けにける
(かささぎの わたせるはしに おくしもの しろきをみれば よぞふけにける)
鵲の : le かささぎ est un oiseau appelé shama dayal (Copsychus saularis), qui ressemble à une pie ; の marque le complément de nom ;
渡せる橋に : 渡せる est formé de 渡せ (izen-kei de 渡す, traverser) + る (rentai-kei de l'auxiliaire り, indiquant que l'action est achevée) ; 橋, pont, に, sur. Le pont des pies fait allusion à la légende du bouvier et de la tisserande, mais désigne également (selon le Pr. Mostow) des ponts ou des escaliers menant à un palais ;
置く霜の : 置く (rentai-kei), placer, mettre, déposer ; 霜 : givre ; の marque le complément de nom ;
白きを見れば : rentai-kei de 白く (白い en japonais moderne), blanc ; を marque le complément d'objet ; 見れば est formé de 見れ (izen-kei de 見る, voir) et de l'auxiliaire ば qui a un sens temporel : "quand je vois"
夜ぞ更けにける : 夜, la nuit ; ぞ est particule emphatique liée à ける (rentai-kei de けり) marquant l'admiration ; 更け est la renyou-kei de 更く (更ける en japonais moderne), être tardif, avancé, et に marque ici l'achèvement.
Il y a débat pour savoir si le poète est réellement face à un pont gelé ou s'il contemple le ciel d'hiver en pensant à la fête de Tanabata, qui marque le début de l'automne (dans le calendrier traditionnel japonais, l'automne commence en août). La seconde interprétation, avec une superposition entre l'image du givre et celle de la blancheur des étoiles brillant dans le ciel d'hiver, semble la plus courante.
Je vous propose la traduction suivante :
Lorsque je vois
la blancheur du givre
déposé sur le pont
qu'ont jeté les pies
comme la nuit paraît profonde
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