lundi 3 mars 2014

Hyakunin isshu, poème n° 7 : 天の原





Aujourd'hui, 7e poème du Hyakunin isshu, qui a pour thème le voyage et la nostalgie de ceux qui sont loin de chez eux. Un peu l'équivalent du Heureux qui comme Ulysse de notre Du Bellay national. L'auteur 安倍仲麿 (Abe no Nakamaro), fut envoyé en mission dans la Chine des Tang pour étudier la culture du continent, comme cela se faisait fréquemment à l'époque (717). Après avoir servi l'empereur de Chine pendant plus de 30 ans, il voulut retourner au Japon en 753. Mais le naufrage de son bateau le ramena à la cour de Chine, où il mourut en 770, alors qu'il jouissait d'une grande considération en tant que lettré et haut fonctionnaire. Ce poème, qui ouvre la section "Voyage" du Kokinshû (n° 406), a été composé en 753, lors de la fête d'adieux qui précéda ce qu'il pensait être son retour à sa terre natale. Cet épisode est évoqué par Ki no Tsurayuki dans son Journal de Tosa (1).


天の原
ふりさけ見れば
春日なる
三笠の山に
出でし月かも

(あまのはら ふりさけみれば かすがなる みかさのやまに いでしつきかも)


天の原 : 天 c'est le ciel et 原 la plaine, la "plaine des cieux", c'est tout simplement le vaste ciel ;
ふりさけ見れば : ふりさけ est la renyou-kei de ふりさく signifie à la fois regarder vers le ciel et au loin ; 見れば est composé de 見る à la izen-kei et de la particule ば qui a ici un sens temporel "quand je lève les yeux pour regarder au loin le ciel" ;
春日なる : 春日 (Kasuga, qui s'écrit avec des kanjis signifiant "jour de printemps") est un meisho (lieu remarquable), à l'est de Nara, où se trouve une plaine souvent chantée en poésie, ainsi qu'un célèbre sanctuaire (Kasuga-jinja). C'est là que priaient les hommes envoyés en Chine avant le départ de leur ambassade (chaque voyage, notamment en mer, présente un risque). なる, rentai-kei de なり, équivalent ici de にある、"se trouver" ;
三笠の山 : autre meisho, le mont 山 Mikasa 三笠 (litt. "trois chapeaux", ce qui explique en partie le succès du toponyme en poésie, d'après J. Pigeot) ; littéralement, les deux vers signifient donc : "le mont Mikasa qui se trouve à Kasuga" ; に marque le lieu ;
出でし月かも : 出で, renyou-kei de 出づ (出る en japonais moderne), qui signifie "sortir" et ici, "se lever", en parlant de la lune, 月 ; し est la rentai-kei de l'auxiliaire verbal き、 qui exprime une réminiscence du passé ; かも est exclamatif.

En regardant le ciel, alors qu'il est toujours en Chine et qu'il s'apprête à retourner au Japon, le poète voit se lever une lune qui lui rappelle vivement celle qu'il vit jadis se lever au mont Mikasa près de Kasuga, lorsqu'il vint prier au sanctuaire avant son départ (2).

Regardant au loin
vers le vaste ciel, je vois
cette même lune
qui se levait au mont Mikasa, 
près de Kasuga !






(1) Ki no Tsurayuki, Le Journal de Tosa, trad. René Sieffert, Tama POF, 1993, p. 35-37
(2) C'est du moins l'explication donnée par le Pr. Mostow, qui s'appuie sur les travaux d'Ozawa Masao.

Index en romaji : ama no hara furi-sake mireba kasuga naru mikasa no yama ni ideshi tsuki kamo

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Hello

天の原 veut tout simplement dire les cieux.

Lili a dit…

Vaste ciel, cieux, firmament, on peut bien sûr traduire cela comme on veut. Si je donne le détail en japonais, c'est pour que l'on comprenne comment est formée l'expression.