vendredi 23 décembre 2016

Paterson et la traduction : réflexion de Noël

Hier, je suis allée voir un film américain. Pour adulte. Le genre de truc qui ne m'était pas arrivé depuis longtemps. Il faut dire que Paterson, de Jim Jarmusch, est un film plutôt contemplatif, plein d'humour, sans violence, sexe ni drame, un film où il ne se passe pas grand-chose, et dans lequel la poésie occupe une place centrale. Bref, le genre de film qui me va comme un gant. Mieux qu'un gant même, car il est rare que ceux-ci épousent parfaitement mes mains frêles et délicates...

Mon propos n'est pas de vous parler du film, que je vous invite à aller voir (non, ce n'est pas chiant, ni verbeux comme du Rohmer, promis juré), mais de m'arrêter sur l'une des dernières scènes. Le "héros" y croise... un japonais : comme quoi j'y reviens toujours, même quand je feins de m'en éloigner. Ce japonais lui montre un sac rempli de carnets de poésie, qu'il ne cherche pas à (faire) traduire. Car à ses yeux, lire de la poésie en traduction, "c'est comme prendre une douche avec un imperméable".

C'est cette image que je souhaitais partager avec vous, notamment avec ceux qui suivent mes articles sur le Hyakunin isshu. J'apprécie sa justesse, tant il est vrai qu'une traduction n'est jamais qu'une grossière tentative de transmettre un message bien plus beau, profond et complet dans sa langue originale. Cela ne me dissuade néanmoins pas de continuer mon petit travail. Car mieux vaut prendre une douche avec un imperméable que pas de douche du tout !

Sur ce, bonnes fêtes à tous et à l'année prochaine !

2 commentaires:

Hercé a dit…

Je suis souvent frustré de voir les grands poètes étrangers publiés dans des éditions uniquement françaises, aussi réussies soient-elles (genre la traduction d'Herberto Helder chez Gallimard), au nom d'une autonomie du texte traduit. Je trouve que les écarts des traducteurs, les moments d'adaptation, peuvent toujours contribuer à affiner notre perception de l'original. Et puis j'aime toujours voir la tête du texte original, tenter d'en imaginer le son, etc. (et c'est encore plus poussé pour les langues qui n'ont pas le même système d'écriture que nous). Ce qu'il y a de bien avec vos traductions, c'est que vous offrez toujours la douche avant l'imperméable. Libre à nous de la prendre sans.

Je ne sais pas si vous avez vu le magnifique documentaire de Chris Marker, Sans Soleil. Il y a un passage aussi court qu'un haïku sur le rapport d'un japonais au langage (bien que le documentaire traite du Japon en pointillé dans toute sa durée). Ça n'a rien à voir avec votre propos, mais ça m'y a fait penser par ricochet. Donc c'est cadeau!

Lili a dit…

Je ne connais pas Sans soleil, mais je le découvrirai avec intérêt. Merci de m'avoir indiqué cette piste.

Pour le reste, je partage votre frustration. J'aimerais voir plus de recueils publiés avec le texte original, et aussi moins de florilèges. Dans le domaine du haïku, certains traducteurs/éditeurs ne font que picorer dans les recueils originaux, sans se soucier (apparemment) de la façon dont les auteurs les ont conçus. On obtient donc des morceaux d’œuvres plutôt que des œuvres entières. Je n'ai rien contre les anthologies, puisque j'en traduis une, mais quand un auteur a pris soin de composer un recueil, je préférerais qu'il soit traduit entièrement, si inégal soit-il (sommes-nous d'ailleurs si bien placés pour en juger). En tout cas, je suis d'accord avec vous, le contact avec la langue d'origine fait parti du rêve et du voyage.

Merci de prendre la peine de lire mes traductions et bonne année à vous.