Il y a quelques mois, j'ai publié une série d'articles sur la période Sengoku et trois de ses principaux protagonistes, Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi, et Tokugawa Ieyasu. J'avais alors évoqué les ouvrages de Ryôtarô Shiba, Hideyoshi, seigneur singe et Tokugawa Ieyasu, shôgun suprême. Le château de Yodo (淀どの日記, le journal de Yodo-dono) de Yasushi Inoue (井上靖), me donne l'occasion de revenir sur cette période, en adoptant un point de vue un peu différent.
Synopsis
Le roman débute avec la chute des Asaï, abattus par Nobunaga et le futur Hideyoshi. Alors que son père est contraint au seppuku et que son château part en fumée, la jeune Tchatcha, ses deux soeurs, Kogo et Ohatsu, et leur mère Ichinokata sont épargnées parce qu'elles ont du sang Oda. Si leur vie est sauvée, elle ne leur appartient plus vraiment. A la mort de Nobunaga, elles pensent trouver un autre protecteur en la personne de Katsuie Shiba, qu'Ichinokata épouse. L'histoire se montrant défavorable à ce dernier, les trois jeunes filles sont de nouveau contraintes de fuir un château en flammes, tandis que leur mère suit son nouveau mari dans la mort. Bientôt, Hideyoshi, qu'elles haïssent, s'intéresse à leur sort. Il marie Kogo, puis Ohatsu, avant de faire de Tchatcha sa concubine. Celle-ci va prendre une importance particulière en mettant au monde un enfant mâle (alors qu'on croyait Hideyoshi stérile). Après la mort d'un premier fils, Tchatcha n'aura de cesse de protéger la vie et les intérêts de son second fils, Hideyori, luttant désespérément contre le cours de l'histoire.
Commentaire
Ah, il n'est pas facile d'être une femme dans un monde dominé par les hommes, aujourd'hui comme hier. Dans bien des pays encore, les femmes ne disposent pas librement de leur corps et de leur vie, victimes de tous les abus, sans parler du risque de mourir en couches. L'histoire de Tchatcha, de sa mère et de ses sœurs en est une parfaite illustration. Quoique de sang noble, ces quatre femmes n'ont presque pas de prise sur leur destin, on les marie, on les prend pour concubine, on les sauve ou on leur ordonne de se tuer, on les sépare de leurs enfants pour en faire des otages, etc. En se soumettant au désir d'Hideyoshi, Tchatcha ne fait que s'adapter et tenter de tirer son épingle du jeu. Elle s'attache au Taiko vieillissant parce qu'il est le seul être capable de les protéger, elle et son fils, et parce qu'à travers lui, elle obtient une miette de pouvoir. Une fois Hideyoshi disparu, c'est en vain qu'elle s'agite, recluse dans son château. Elle reste à la merci de guerriers plus ou moins loyaux, auxquels elle n'a rien à promettre, et Sekigahara n'est qu'un événement lointain sur lequel elle n'a aucune prise.
Inoue offre donc un passionnant portrait de femme et de la condition féminine noble de l'époque. En creux il dessine aussi un portait d'Hideyoshi, plus nuancé que celui de Ryôtarô Shiba. Chez Shiba, en effet, Hideyoshi est présenté sous son meilleur jour, galant avec les dames, généreux envers ses ennemis, etc. Ici, sans être foncièrement antipathique, il apparaît avec ses zones d'ombre : les expéditions de Corée, le sort réservé à Hidetsugu et à ses concubines, au maître de thé Sen no Rikyû... bref, tous les travers d'un potentat. Et le malheureux Tokugawa ne s'en sort guère mieux ("malheureux", car je n'ai à ce jour jamais lu d'ouvrages le présentant sous un jour favorable).
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Le château de Yodo se distingue donc des autres romans historiques en adoptant un regard particulier, celui d'une femme isolée dans son château par sa condition. L'Histoire nous parvient à contretemps, son fracas est comme étouffé, jusqu'à ce quelle vienne frapper à la porte du château. Inoue réussit ainsi à renouveler le genre tout en conservant ses attraits principaux. Je conseille donc vivement cette lecture à tous ceux qui s'intéressent à cette période, ainsi qu'à tous les amateurs de romans historiques.
2 commentaires:
Je tombe juste sur le blog par hasard en commençant vraiment mon apprentissage des Kanjis et je tiens a dire qu'il est magnifique et que je vais surement passé du temps a lire chacun des articles.
Dommage qu'ils semble peu connu au vu des commentaires, Merci de continuer ce que vous faîtes !
Merci pour ces encouragements, c'est très gentil et cela me fait bien plaisir ! C'est vrai qu'il y a peu de commentaires, mais il y a quand même des lecteurs, heureusement !
Bon courage pour apprendre le japonais et les kanji.
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