mercredi 11 septembre 2013

Santetsu, chemin de fer de l'espoir

Santetsu - 11 mars 2011 - Après le cataclysme est un seinen manga de Kôji Yoshimoto paru en 2012 au Japon et publié en France chez Glénat. Ce one-shot est consacré à un sujet bien particulier : la reconstruction d’une ligne de chemin de fer détruite par le tremblement de terre et le tsunami du 11 mars 2011. Si cela peut paraître anecdotique, ce manga est pourtant un concentré de ce qu’il y a de meilleur dans ce qu’on peut appeler « l’esprit japonais ». Je n’aime pas trop recourir à des concepts aussi vagues, qui prétendent de caractériser une nation tout entière alors qu'elle composée d’individus uniques et divers. Disons que ce que j’appelle « l’esprit japonais », c’est un peu la somme des clichés que les gaijin, plus ou moins éclairés et bienveillants, accumulent sur le compte des Japonais. Un cliché n’est pas nécessairement ni complètement faux : ce qui le rend faux, c’est une généralisation excessive. Santetsu montre que certains des clichés positifs que nous avons sur les Japonais sont sous-tendus par une réalité tangible.

Synopsis


Un mangaka est envoyé en reportage dans la préfecture d'Iwate pour parler de la reconstruction de la ligne de chemin de fer Sanriku (surnommée Santetsu), détruite par la catastrophe du 11 mars (東日本大震災). Il interroge toutes les personnes au travail ce jour-là (ainsi que d'autres habitants) afin que chacun raconte son vécu du tremblement de terre et du tsunami. Les deux trains en circulation ce jour-là sont miraculeusement sortis indemnes de la catastrophe, et il est remarquable de voir le professionnalisme avec lequel le personnel de la ligne, à commencer par les chauffeurs, mettent de côté leurs émotions et inquiétudes personnelles pour prendre soin des passagers et assurer au mieux la sécurité de tous.

S'il n'y a pas eu de victimes sur la ligne ce jour-là, les infrastructures ont été durement touchées, notamment sur la partie sud : rails déformés, viaducs envolés… Pourtant, trois jours après la catastrophe, les dirigeants de la ligne remettent un train en circulation sur une portion de ligne moins touchée. Ils envoient ainsi à la population un message d'espoir, un appel à se relever. Et les hommes du Santetsu, sans céder au désespoir, se mobilisent pour remettre en marche leur ligne, puis pour obtenir le budget nécessaire à une restauration complète du service. Chacun accepte de faire ce qu'il peut - quel que soit son métier d'origine - dans des conditions souvent difficiles.

Commentaire


Santetsu n'est pas un manga sur la catastrophe, mais celle-ci est bien sûr omniprésente et la diversité des témoignages rassemblés permet d'en avoir un aperçu. Même si le manga est dépourvu de toute grandiloquence et ne cherche pas à impressionner le lecteur, certaines scènes restent saisissantes, pour peu qu'on ait un soupçon d'empathie et d'imagination.

Ce qui est au cœur du manga, c'est l'inébranlable détermination des dirigeants de la ligne à remettre les trains en circulation. Conscients de leur statut de société d'économie mixte, en grande partie financée par les collectivités locales, ils ont une vision très élevée de leur devoir de service public et de leur rôle social. Maintenir la ligne, c'est permettre à des personnes de se déplacer quand elles n'ont pas de véhicule, c'est maintenir la vie autour des gares, plus qu'avec un service de bus. Le manga laisse entendre que les lignes de la société privée (subventionnée) JR, qui gère l'essentiel du trafic ferroviaire, n'ont pas été reconstruites avec la même célérité (je ne sais pas où ils en sont à ce jour).

A noter aussi, ce fait à mon avis inimaginable en France (et dans bien d'autres pays) : alors que les trains ne circulaient plus, des habitants ont spontanément, gratuitement nettoyé et entretenu les gares en attendant qu'elles soient réutilisées. Nous qui passons notre temps à jeter nos papiers partout, comme si les poubelles n'existaient pas (l'état du métro parisien me déprime parfois), serions-nous capables d'un tel civisme ?

****

Evidemment, il ne faut pas croire que tout est rose au Japon, que tout le monde y est honnête, courageux et solidaire face aux épreuves. La solide culture du mensonge de Tepco, l'attitude du gouvernement japonais envers les victimes de Fukushima, l'ostracisme dont celles-ci seraient parfois victimes dans les zones où elles se réfugient, sont également bien réels.

Mais on passe tant de temps à lire, entendre ou visionner des nouvelles déprimantes, tant de temps à douter de la nature humaine, qu'il est parfois bon qu'une œuvre mette en avant des actions positives, des hommes responsables, dignes et attentifs aux autres. Parce qu'eux aussi sont bien réels, et peut-être plus nombreux qu'on ne le croit.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Est-ce que le manga aborde justement les points négatifs de la société japonaise ? par exemple ceux que vous avez citez (l'attitude du gouvernement, tepco etc.)

Lili a dit…

Non, ce manga est vraiment spécialisé sur la destruction et la reconstruction de cette ligne de chemin de fer. Il n'évoque pas la catastrophe en général, ni ses conséquences dans d'autres domaines, parce que ce n'est pas son sujet. Mais c'est intéressant quand même.