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mercredi 31 janvier 2018

KanjiMix : 港 et 選, 表, 麦 et 素

Comme je l'ai expliqué dans des pages désormais fort anciennes, la base pour retenir des kanji, c'est de les décomposer en éléments faisant sens - quand c'est possible - et de réunir ces éléments dans sa mémoire par une phrase, une image mentale, etc, en rapport ou non avec l'étymologie, selon que cette dernière est opérationnelle ou pas. Et lorsque on confond deux kanji, la solution est de les confronter l'un à l'autre pour affiner ce travail d'analyse et comprendre la source de la confusion. C'est à cet exercice que je vais de nouveau me livrer aujourd'hui.

港 et 選


(port、みなと、コウ) et (choisir、えら(ぶ)、セン) ont des clés différentes mais ont tous deux des radicaux composés des éléments (ensemble) et (soi). Si en lecture les clés suffisent à ne pas se tromper, en production écrite, les deux radicaux sont susceptibles d'être intervertis.

, le port, est composé de la clé (eau) et du radical qui signifie rue, quartier. On peut donc retenir que le port, c'est un ensemble de rues au bord de l'eau, ces rues regroupant () des gens avec un gros ego ().

, choisir, est composé de la clé (chemin) et du radical (sud-est). Il faut choisir le chemin du sud-est. Et le sud-est, c'est là où deux ego () se rejoignent ().

表・麦・素


La partie haute de ces trois kanji est fâcheusement similaire bien qu'ils aient des étymologies fort différentes. (face, surface, exprimer, montrer, ヒョウ、あらわ(す)、おもて) est normalement composé de poils (, en haut)et de vêtement (, en bas), évoquant à l'origine un vêtement en peau de bête (la "surface" que l'on "montre" quand on est habillé).

Mais on ne retrouve nulle histoire de poils dans (バク、むぎ、blé) - où il n'est question que d'épis de blé () foulés aux pieds () - ni dans (ス、ソ、simple, élémentaire)où l'on ne trouve que du fil ()auquel on fait subir divers traitements (selon les dictionnaires, teinture, séparation des fils un à un), la partie haute restant dans tous les cas assez mal expliquée.

Les simplifications graphiques ont abouti pour la partie supérieure à une uniformité dépourvue de sens et source de confusion. Au final, cela ressemble surtout à un (vie, naissance...) dépourvu de trait initial, élément que l'on retrouve dans de nombreux autres kanji (、par exemple). C'est donc surtout sur la partie inférieure de ces trois kanji qu'il faut compter pour les distinguer :

  • avec ,  vêtement, c'est ce que la (sur)face que l'on montre ;
  • avec , jambes, c'est le blé que l'on foule aux pieds pour en extraire les grains ;
  • avec , le fil, c'est l'idée de quelque chose d'élémentaire, simple comme un fil qui n'a encore été ni teint ni tissé.
***

Voilà, c'est tout pour aujourd'hui ! またね。

mercredi 18 octobre 2017

Yudan suru na ! : l'origine du mot 油断

油断するな! Ne baisse pas ta garde ! Tous les amateurs d'anime/manga en général, et de shônen en particulier, ont déjà entendu/lu cette expression invitant le héros à rester vigilant face à l'ennemi. 油断 (ゆだん)、c'est la négligence, l'imprudence, le laisser-aller, bref, quelque chose de hautement condamnable pour un japonais (tel qu'on se les représente, du moins...). D'où l'expression 油断大敵 (ゆだんたいてき), la négligence 油断 est un grand ennemi (大敵).

Il n'y a là rien de bien compliqué à comprendre, mais ce qui m'intrigue, ce sont les deux kanjis utilisés : 油 et 断. 油 signifie huile ; 断 a plusieurs sens, notamment "refuser" ou "trancher, supprimer". Refuser de l'huile ? Supprimer de l'huile ? Quel rapport ?

Il faut apparemment rechercher l'origine de cette transcription dans le Sûtra du Nirvana. On y raconte qu'un roi aurait ordonné à un marchand d'huile (油) d'effectuer une livraison sans laisser tomber une goutte de son précieux chargement, sous peine de perdre la vie (断). Le pauvre marchand avait donc intérêt à éviter toute négligence.

Si cette belle histoire permet de comprendre l'utilisation de 油 et 断, certains pensent qu'il s'agit là d'une justification a posteriori et non de la véritable origine du mot ゆだん. En effet, on trouve dans d'anciens dictionnaires d'autres façons de transcrire ces deux syllabes, ce qui laisse penser que le choix de ces deux kanjis s'est fixé sur le tard et qu'on avait jusque-là plusieurs combinaisons possibles pour écrire ce mot.

ゆだん pourrait être une déformation de ゆたに (ゆったり en langue moderne) qui signifiait "se mettre à l'aise". On trouve aussi dans un dialecte de Shikoku l'expression ゆだんする avec un sens similaire. Finalement, être à son aise ou être négligent, c'est peut-être une question de point de vue et de culture ? まてね !

mercredi 6 septembre 2017

Etymologie des kanjis : les jours de la semaine

Après les chiffres, je vous propose à nouveau un bref retour sur les kanjis les plus élémentaires, avec les caractères servant à écrire les jours de la semaine.

Commençons par le jour du soleil, le dimanche. L'étymologie de 日 est très simple puisqu'il s'agit d'un kanji pictographique (象形), c'est-à-dire d'une représentation schématisée du soleil, qui a évolué jusqu'à la forme actuelle, comme vous pouvez le voir ici. En temps que clé,日 porte essentiellement le sens de soleil, de lumière et de temps.

Le lundi, jour de la lune, comme dans beaucoup de langues, est lui aussi un kanji pictographique. 月 représente en effet un quartier de lune. En temps que clé,月 porte deux sens bien différents, car il est utilisé à la fois pour つき (lune) et comme forme simplifiée de 肉 (chair), prenant alors le nom de にくづき. A l'origine, d'après le Shin kangorin, les deux traits horizontaux du 月 représentant la lune n'étaient pas reliés au trait vertical sur la droite, alors que les deux traits horizontaux du 月 dérivé de 肉 étaient rattachés des deux côtés. Aujourd'hui, cette nuance s'est estompée, et les deux éléments, 月 et 肉月 sont considérés comme un seul. La clé peut donc avoir le sens de lune ou le sens de chair, corps.

Le mardi est le jour du feu. 火, lui aussi pictographique, représente schématiquement un feu en train de brûler. En tant que clé, 火 peut prendre la forme 灬 lorsqu'elle est placée dans la partie inférieure. On considère qu'il s'agit alors d'une autre clé appelée れんが ou れっか. Le sens de feu, de chose qui brûle ou qui utilise le feu est attaché aux deux clés.

Au mercredi est associée l'eau. 水 représente le courant d'une rivière, initialement composé de cinq traits (un trait au milieu pour le flux principal et 4 petits traits pour des vaguelettes). Dans la graphie actuelle, les deux traits de gauche sont réunis et le dessin s'éloigne un peu de la représentation de la rivière. En tant que clé, 水 retrouve parfois sa graphie en 5 traits avec sa variante 氺(したみず), où les traits latéraux sont détachés de la partie centrale. Ainsi dans 泉, on a bien 4 traits pour la clé, mais dans 求, on en a 5. Néanmoins, la forme la plus courante de la clé reste 氵(さんずい), qui est considérée comme une clé à part, même si elle porte le même sens. On la retrouve par exemple dans tous les noms de poissons.

Le jeudi est le jour du bois/arbre. 木 représente tout simplement un arbre avec ses branches et ses racines. En tant que clé, 木 est utilisé pour tous les arbres, les parties de l'arbre, des choses faites en bois, et pour bien d'autres choses encore. C'est une clé très riche.

Le vendredi est associé à l'or / métal. Cette fois, il ne s'agit pas d'un caractère pictographique. 金 est composé de 土 (la terre), de 八 (les deux points en bas) et de 今. 今 est un élément phonique (en chinois, il se prononce jīn, en japonais きん et こん). Il porte aussi le sens de contenir, garder en son sein. On a donc l'idée de quelque chose (les deux points, comme des paillettes d'or) qui est contenu dans la terre, comme le sont beaucoup de minerais. En tant que clé, 金 est utilisé pour de nombreux métaux et ustensiles en métal.

Terminons avec le samedi, associé à la terre. 土 est un kanji pictographique, mais tout le monde n'est pas d'accord sur l'image représentée. Certains y voit une motte de terre sur le tour d'un potier (ce qui est plus compréhensible dans les graphies anciennes). Le Kanji-gen, en accord avec l'explication traditionnelle, y voit une représentation de tout ce qui naît de la terre, laquelle était jadis déifiée comme source de toute chose. Le Shin Kangorin rejoint cette explication, avec l'idée que le kanji représente un monticule de terre érigé par les hommes en l'honneur de leurs dieux. Cette hypothèse s'appuie sur le fait que 土 est à l'origine du kanji 社, qui signifie (entre autres) temple, sanctuaire. En tant que clé, 土 représente tout ce qui a trait à la terre et à ce qui est fait en terre.

Globalement, ces kanjis fondamentaux posent peu de problème étymologique, contrairement aux chiffres, beaucoup plus conceptuels. Pas besoin de couper les cheveux en quatre pour les comprendre, c'est plutôt reposant, non ? それでは、また。

mardi 8 août 2017

Etymologie des kanjis : les chiffres de 1 à 9

Aujourd'hui, nous allons parler chiffres, bien que ce ne soit pas trop mon truc ! Même s'il s'agit de kanjis assez simples, ou justement à cause de cela, l'étymologie des chiffres est parfois mystérieuse. Raison de plus pour enquêter.

Je passe sur les 3 premiers, l'étymologie de 一、二、三 étant relativement évidente. 四 est déjà plus stimulant. A l'origine, le caractère pour 4 était composé de 4 traits horizontaux, dans la lignée des chiffres précédents. La forme actuelle dériverait du caractère 呬, qui signifie (en chinois) respirer, se reposer. L'élément 四 serait composé de 口(bouche) + 八 (division), avec l'idée d'un souffle entrecoupé. Autre explication, pas complètement incompatible, 四 représenterait une bouche où l'on verrait la langue et les dents. Cet élément aurait été emprunté pour exprimer le chiffre 4 car celui-ci est associé à la division (en coupant 口 en deux avec 八, on obtient 4 éléments séparés).

Poursuivons avec 五. Le caractère est à l'origine composé de 二 et d'un X positionné au milieu, ce dernier s'étant déformé jusqu'à prendre sa forme actuelle. Selon le 新漢語林 (Shin Kangorin), les deux traits de 二 représentent ici le ciel et la terre, tandis que la croix représente l'interaction des cinq éléments. Le pictogramme en serait ainsi venu à signifier 5. L'explication du 漢字源 (Kanjigen) est radicalement différente et assez tarabiscotée : lorsqu'on compte jusqu'à 10 sur une seule main, on compte deux fois (二) 5, une fois dans un sens (du pouce à l'auriculaire), puis une fois en sens inverse (d'où la croix). 5 étant le point auquel on change de sens, le caractère en serait venu à signifier 5. De manière plus générale, la croix entre les deux traits évoquerait l'idée d'intersection, voire de réciprocité.


Le 6 六 représenterait un trou couvert d'une sorte de toit (la forme simplifiée d'une hutte ou d'une cabane), ce qui se voit mieux dans sa forme première. C'est pour sa valeur phonétique qu'il aurait ensuite été utilisé pour désigner le chiffre 6. Quant à 7, 七, sa forme dérive du simple croisement de lignes verticales et horizontales (comme 十、dix), avec l'idée de couper (c'est l'origine du kanji 切 qui a toujours ce sens aujourd'hui). La graphie a évolué et le caractère a été emprunté pour représenter le chiffre 7, toujours pour des raisons phonétiques.

Passons maintenant au 8, 八, en précisant que ce chiffre désigne plus largement un grand nombre de choses (on retrouve ce sens dans le 11e poème du Hyakunin isshu, avec 八十島, qui ne signifie pas "80 八十 îles 島" mais "îles innombrables"). Les deux traits opposés évoquent à l'origine l'idée de diviser. Le kanji a ensuite été emprunté pour signifier huit, mais conserve son sens initial dans 分 (diviser). Ajoutons qu'en tant que clé ou radical, 八 peut prendre la forme de deux points orientés dans un sens (穴, les deux traits du bas) ou dans l'autre (兼, les deux traits du haut). La clé n'a pas de signification bien déterminée, même si on lui attribue souvent le sens de diviser qu'elle avait au départ.

La forme originale du kanji 九 (9) montrerait un bras et une main fléchis. J'avoue que les explications que j'ai lues dans les dictionnaires ou ailleurs ne m'ont pas permis de bien saisir le rapport avec le chiffre 9. Vous pourrez trouver diverses explications ici et , mais rien de bien convaincant Si quelqu'un en sait plus sur le sujet, qu'il n'hésite pas à se manifester dans les commentaires !

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Voilà, c'est tout pour aujourd'hui. またね.

lundi 17 avril 2017

Kanji mix : confusion au royaume des kanjis

Mes decks Anki commencent à dater un peu. Si j'y ajoute toujours de nouvelles cartes, les plus anciennes ont été créées en mars 2009. Les intervalles de révision s'allongent en conséquence (c'est le principe du SRS), allant jusqu'à 22,6 années... ce qui me laisse d'ailleurs pensive. A quoi ressemblera ma vie, dans 22 ans, hein ?
Je vous fais grâce de mes espoirs et de mes angoisses pour revenir à mes moutons, c'est-à-dire à mes kanjis chéris et indociles. Et oui, ceux qui sont restés enfouis un ou deux ans dans les profondeurs du deck prennent un malin plaisir à se faire passer pour un copain d'allure similaire, histoire de me faire enrager et de se maintenir à la surface quelques semaines avant de replonger.

Le meilleur moyen que j'ai trouvé pour tuer la confusion dans l’œuf, c'est de noter immédiatement les deux kanjis confondus. En général, en ayant les deux sous les yeux, j'arrive à identifier l'origine du problème et à ne plus les mélanger, sauf pour quelques récalcitrants.

Quelques exemples :

- 荷 (charge, bagage) et 苛 (dur, cruel, persécution) : le 1er est plus courant, mais le second est plus récent dans ma mémoire, parce que je l'ai appris bien après. Résultat 苛 avait tendance à écraser 荷 dans mon disque dur. En les alignant, j'ai pris conscience de leur ressemblance mais aussi de ce qui les distingue.

- 焦 (brûler, impatience) et 礁 (récif, écueil) : ici, le kanji le plus courant 焦 a tendance à écraser 礁 qui sort très peu au cours de mes lectures. La confrontation permet de retenir que l'écueil 礁, c'est la pierre 石 sur laquelle on se fracasse quand on brûle d'impatience 焦 et que l'on ne fait pas attention.

- 税 (taxe) et 鋭 (pointu, aiguisé) : ici, c'est la clé du 2e kanji qui m'induit en erreur. 金 (or, métal) fait penser à la notion d'argent et me ramène naturellement à l'idée de taxe. C'est oublier que pendant des siècles les taxes ont été payées en riz (禾, céréales). Le métal ne servait pas à payer les taxes mais à fabriquer des armes tranchantes (l'apport étymologique 兑 au sens 鋭 fait l'objet d'hypothèses trop diverses pour que l'on puisse s'en servir).

Evidemment, ce n'est pas aussi facile pour tous, et la confusion n'est pas toujours éliminée du premier coup. En général, je garde une petite liste sous le coude, et j'approfondis plus ou moins en fonction de l'envie et du besoin. Notons tout de même que les confusions se produisent surtout en interrogation sur des kanjis isolés, et plus rarement dans un contexte de lecture. Autant dire que ce petit jeu relève plus du perfectionnisme que de la nécessité absolue. またね !

mercredi 22 février 2017

D'autres façons de dire "je" ou "tu" en japonais

Il y a quelques jours, je suis enfin allée voir le fameux Your name de Makoto Shinkai. Même si j'ai passé un moment agréable, je suis ressortie sans avoir compris l'intérêt démesuré que semble susciter ce film. Si la première partie (l'échange quasi-quotidien des corps) est rythmée et drôle, la seconde tire à la ligne et tourne en rond sur la fin, avec les interrogations et les chassés-croisés à répétition. L'ensemble n'est somme toute qu'une bluette qui finit bien, sympathique mais un peu creuse. 5 cm par seconde m'avait laissé la même impression. Quand on présente Makoto Shinkai comme un possible successeur de Miyazaki, je suis très dubitative. Je lui préfère d'ailleurs Mamoru Hosoda, même si là non plus, je ne retrouve ni le souffle du maître (Nausicaa, Momonoke), ni la fantaisie débridée et géniale d'un Satoshi Kon (Paprika, Millenium actress).

L'un des passages amusants de Your name, c'est celui où Mitsuha, dans la peau de Taki, a dû mal à trouver la bonne façon de dire "je", passant par "watashi", "watakushi" et "boku" avant d'en venir au "ore" qui colle avec le sexe, l'âge et la personnalité de son corps d'emprunt.



J'ai déjà évoqué les façons les plus courantes de dire "je" sur ce blog et de nombreuses façons de dire "tu" dans un article pour Japoninfos. Il en existe néanmoins d'autres, moins courantes, voire tout à fait archaïques, mais qu'il peut être intéressant de (re)connaître. Les exemples cités sont tirés du Chef de Nobunaga.

D'autres façons de dire "je"




わらわ : il s'agit d'un "je" féminin de modestie utilisé pendant la période féodale. Il est ici employé par la concubine de Nobunaga (tome 7). On le retrouve, pour son côté archaïsant sans doute, dans la bouche de la Kaguya de Naruto shippuden.




  
(よ) est une façon de se désigner comme supérieur face à des personnes de rang inférieur, pour une personne de très haut rang. Dans l'exemple ci-dessus, c'est le "je" utilisé par le shôgun Ashikaga, passablement énervé par l'attaque du Mont Hiei (tome 7). Nobunaga, quant à lui, se contente d'un classique わし.

D'autres façons de dire "tu"




おぬし (御主) : une façon de dire "tu" qui daterait de la période Muromachi, employée envers des interlocuteurs égaux ou inférieurs, pouvant donner un sentiment de proximité (à l'origine, おぬし était employé dans les relations de couple). Si je regarde les exemples trouvés dans le Chef de Nobunaga, plusieurs types de personnages donnent du おぬし à Ken : Nobunaga lui-même (ci-dessus, t.2), le shôgun et Kaede. Les deux premiers sont clairement de rang supérieur (même s'ils concèdent quelque estime à Ken pour ses talents de cuisinier, Nobunaga surtout). Kaede, qui sert elle aussi Nobunaga, peut être vue comme une senpai.




そなた (其方) : spatialement そなた indique une position médiane par rapport à l'interlocuteur (comme dans les séries この、その、あの). Utilisé pour dire "tu", il s'adresse à quelqu'un que l'on juge inférieur, comme le fait ici le moine Kennyo à l'égard de Kaede qui vient se présenter à lui pour être embauchée comme pâtissière (et espionne) dans son temple (tome 7).



きこう (貴公) : きこう faisait à l'origine partie du vocabulaire des bushi et constituait une façon plutôt respectueuse de s'adresser à un interlocuteur considéré comme supérieur, ce qui transparaît clairement quand on regarde les kanjis (貴公= noble prince, noble maître). Au fil du temps, le pronom a perdu son lustre, devenant progressivement péjoratif et sortant de la sphère exclusive des guerriers. A vrai dire, à ce jour, je ne l'ai trouvé que dans la bouche du Komamura de Bleach...

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Il en existe sûrement bien d'autres, même si le cas le plus fréquent, c'est encore l'absence de tout pronom ! Pour terminer, au cas où vous ne l'auriez pas encore lu, je vous recommande vivement la lecture du Chef de Nobunaga, en français ou en japonais. またね !

Index en romaji : kikô, sonata, onushi, warawa, yo

mardi 7 février 2017

雨 et quelques composés (2/2)

Je continue aujourd'hui mon exploration des composés de (pluie) décrivant des phénomènes climatiques. Tous sont très utilisés en poésie comme mots de saison 季語.

Nous allons commencer par (ロ、ロウ、つゆ). signifie principalement "rosée" mais peut aussi avoir le sens de "se révéler" ou de "faible quantité". Le 音符 (partie indiquant la prononciation) est composé de (pied) et de qui signifie aujourd'hui "chaque, chacun", mais dont le sens d'origine est sensiblement différent. est composé de (des jambes qui descendent) et de , bouche, qui évoque ici l'instrument d'une prière faite aux dieux. Avec on a donc l'idée d'un dieu que l'on prie de se manifester. En y ajoutant pour faire , on a donc l'image du chemin foulé par un dieu qui descend sur terre. En tant que kanji, signifie donc chemin. En tant que composé, il évoque plus largement ce qui a un lien avec le ciel, ou descend du ciel. Si l'on revient maintenant à on a donc une image de gouttes d'eau () déposées par le ciel, comme un cadeau divin, sans intervention de la pluie.

Intéressons-nous maintenant à la version hivernale de la rosée, le givre, (ソウ、しも), qui évoque aussi un blanc pur. Cette fois, le 音符 est , composé de (arbre) et (oeil). , c'est regarder un arbre , avec l'idée d'être face à lui, conscient de son altérité. D'où l'idée de réciprocité, d'altérité que contient et que l'on retrouve dans de très nombreux kanjis. On aurait donc ici l'idée que le givre est quelque chose d'autre que la pluie , quelque chose qui semble naître directement sur la terre.

Nous allons maintenant nous enfoncer dans la brume avec et . (ム、きり) signifie brume, brouillard. Le 音符 est 、lui-même composé de (lance), (issu de 攴, qui signifie frapper) et de (force) : il s'agit ici de s'employer à frapper fort avec sa lance (pour en savoir plus sur 務, c'est par ici). Difficile de voir le rapport avec notre brouillard... et pour cause, il n'y en a pas vraiment. Du moins pas directement. Il s'agit en fait d'un emprunt phonétique. , qui peut se prononcer ボウ/厶  a été emprunté pour évoquer le sens de kanjis comme et , à la prononciation proche (ボウ・モウ), et qui ont (entre autres) le sens de "recouvrir". "Recouvrir" + , on arrive en effet à l'idée de brouillard, avec l'idée d'un espace recouvert de fines gouttelettes en suspension dans l'air. Voilà donc une étymologie extrêmement embrouillée. C'est toute la magie du japonais et de ce jeu permanent sur les sons, source d’ambiguïté, de glissements de sens mais aussi de richesse et de stimulation intellectuelle, tant pour les cerveaux japonais contemporains que pour les malheureux apprenants étrangers. Pour la mémorisation, mieux vaut se construire une image plus commode, comme celle d'un fou qui s'emploierait à dissiper les gouttes du brouillard à grands coups de lance (si cela vous parle)...

Je termine par (カ、かすみ), qui n'est pas un kanji d'usage courant et dont je vous épargnerai l'étymologie. Je vous le signale en tant que pendant poétique de 霧. 霧 est un kigo automnal, est sa version printanière : une brume plus légère, comme celle des nuages rosés qui embrument soleil et montagnes au lever et au coucher.

La recherche étymologique fait souvent penser aux poupées russes. Le résultat est parfois satisfaisant (avec 露), parfois frustrant (avec 霧). Dans tous les cas, la quête permet de mieux apprivoiser les kanjis et leurs métamorphoses. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur les composés de 雨. J'y reviendrai... ou pas ! またね!

jeudi 19 janvier 2017

雨 et quelques composés (1/2)

(ウ、あめ、あま) est un kanji très simple, enseigné en 1ère année de primaire au Japon. Il représente, de manière stylisée, des gouttes d'eau tombant du ciel ou d'un nuage et signifie "pluie". Vous pourrez voir ici son évolution graphique.

est également la clé d'un nombre considérable de kanjis, dont la plupart ont un rapport aux phénomènes atmosphériques. Je vous propose d'en évoquer quelques-uns.

Commençons par les nuages, puisque ce sont eux qui amènent la pluie. Nuage se dit (ウン、くも), associant à 、qui a le sens de... nuage. Le 1er trait horizontal représente le ciel, le reste représentant le nuage lui-même. (qui a ensuite pris le sens de dire, comme dans ) est la forme primitive de . En chinois simplifié, on utilise d'ailleurs (yun, 2e ton). Lorsque le temps est couvert, le soleil () est au-dessus des nuages (), ce qui donne (ドン、くも-る). Dans ce cas, la clé est et n'est plus qu'un composant.

Du ciel peuvent également tomber la neige ou la foudre . (セツ、ゆき) s'écrivait initialement , avec l'évolution graphique suivante.L'élément 彗, simplifié en , et qu'on retrouve dans le mot comète (彗星)、donne lieu à des explications un peu flottantes mais qui tournent globalement autour de l'idée de balayer, nettoyer. On peut donc s'en tenir à l'explication du wiktionnaire et voir dans la neige une forme de pluie que l'on peut balayer ou plus poétiquement, un élément dont la pureté vient tout effacer.

Je terminerais aujourd'hui sur la foudre et le tonnerre, (レイ、かみなり) , qui s'écrivait jadis et dont vous pouvez voir l'évolution graphique ici (en scrollant un peu). Il semblerait que dans ce cas précis, ne représente pas un champ mais un son puissant (comme celui d'un taiko). figurerait l'accumulation de ce son tonitruant. Notons au passage que la foudre conduit l'électricité, .

La prochaine fois, je vous parlerai de givre, de brume, de rosée et de brouillard. またね!

Index en romaji : ame, kaminari, kumo, yuki, kumoru

vendredi 16 septembre 2016

Blue Light Yokohama (Ishida Ayumi)

Aujourd'hui, c'est récré. Plutôt qu'un poème du Hyakunin isshu, je vous propose de traduire une petite ritournelle d'Ishida Ayumi, véritable tube des années 60. J'ai découvert cette chanson dans l'excellent 歩いても歩いても, un film de Kore-eda Hirokazu, magnifique portrait d'une famille japonaise, avec tout ce qu'elle a de beau et de mesquin, de spécifique et d'universel (le titre prétendument français est Still Walking). J'ai accroché à cette chanson bien avant d'en comprendre les paroles, pour sa mélancolie légère, où domine la joie.




Bon, évidemment, les images de l'interprétation d'origine sont un peu gnangnan, mais je vous rappelle qu'à la même époque, nous avions (ou plutôt nos parents avaient) Sheila qui chantait "Mais oui, mais oui, l'école est finie"...

Passons au texte : 

街の灯りが とてもきれいね
ヨコハマ ブルーライト・ヨコハマ
あなたとふたり 幸せよ

いつものように 愛の言葉を
ヨコハマ ブルーライト・ヨコハマ
私にください あなたから

歩いても歩いても 小舟のように
私はゆれて ゆれて あなたの腕の中

足音だけが ついて来るのよ
ヨコハマ ブルーライト・ヨコハマ
やさしいくちづけ もう一度

歩いても歩いても 小舟のように
私はゆれて ゆれて あなたの腕の中

あなたの好きな タバコの香り
ヨコハマ ブルーライト・ヨコハマ
二の世界 いつまでも

Traduction

Les lumières (灯) de la ville (街の) sont vraiment belles (とてもきれいね)
Yokohama, lumières bleues de Yokohama
Etre tous les deux (ふたり), avec toi (あなたと), c'est le bonheur (幸せよ)
Comme (のように) toujours (いつも), de mots (言葉) d'amour (愛の)
Yokohama, lumières bleues de Yokohama
Couvre-moi (litt. De toi あなたから à moi 私に, donne ください)

Je marche encore et encore (歩いても歩いても), et comme (のように) un frêle esquif (小舟)
Je (私) tangue (ゆれて), je tangue (ゆれて), accrochée à ton (あなたの) bras (腕) (litt. entre tes bras 腕の中)

Seul (だけ) nous accompagne (ついて来る) le bruit de nos pas (足音)
Yokohama, lumières bleues de Yokohama
Donne moi encore (もう一度) un doux (やさしい) baiser (くちづけ)

Refrain

Le parfum (香り) de tes cigarettes (タバコの) préférées (好きな)
Yokohama, lumières bleues de Yokohama
C'est notre monde à nous (二の世界), pour toujours (いつまでも)

D'accord, c'est une chanson d'amour, un comble pour quelqu'un qui se plaint du trop grand nombre de poèmes d'amour du Hyakunin isshu... Mais au moins, c'est une chanson d'amour heureux. Et surtout, c'est tellement plus simple à traduire ! Quel repos pour l'esprit ! Pas besoin de se demander si la rencontre entre les amants a eu lieu, va avoir lieu, ou n'aura jamais lieu... Pas de forme grammaticale tordue... Non franchement, de temps en temps, ça fait du bien. La seule ambiguïté vient peut-être du 私はゆれて ゆれて あなたの腕の中, qu'on pourrait traduire par "je frémis entre tes bras", "je vacille dans tes bras"... mais comme il s'agit d'une promenade, il m'a semblé plus raisonnable d'imaginer la belle au bras de son chéri, avec un doux balancement de hanche à chaque pas.

La semaine prochaine, retour aux choses sérieuses, avec le poème n° 54, qui sera... un poème d'amour :-) Mais au fond, je les aime aussi.

lundi 22 août 2016

Les kanjis 幣、弊 et 蔽, un trio infernal

et sont trois kanjis considérés comme courants (常用漢字). Quoique leurs significations sont bien distinctes, ils se font souvent passer l'un pour l'autre dans mon esprit, tel un trio facétieux. J'ai dû manquer de rigueur en les apprenant. Ayant moins de nouveaux kanjis à mémoriser que dans mes premières années de japonais, il m'arrive de trop compter sur ma mémoire et ne négliger l'analyse, ignorant superbement mes propres préconisations. Au final, cela se paie par de la confusion (du moins sur les éléments les plus rebelles). Il est temps de mettre un peu d'ordre dans tout cela.

L'élément commun aux trois kanjis qui me préoccupent est (qui leur donne leur prononciation commune ヘイ). associe à simplifié en . montre une pièce de tissu (, qui a le double sens de large et de tissu) et deux fois (chiffre 8, mais aussi division), donnant l'idée d'un vêtement taillé en pièce, ou d'un haillon troué. 攴/攵 - à l'origine une main tenant un bâton - ajoute à cela l'idée de l'action qui a abouti à ce résultat (en frappant le tissu). Globalement, a le sens de やぶれる, détruire, déchirer, de déclin, épuisement. Accessoirement, il peut servir de préfixe de modestie.

Si l'on ajoute à la clé (くさ, herbe) abrégée en (くさかんむり), on obtient , avec l'idée de recouvrir quelque chose d'herbe jusqu'à en masquer (détruire) la forme. signifie en effet recouvrir, envelopper, cacher.

Si l'on ajoute à la clé (にじゅうあし, les deux mains), on obtient , avec l'idée de détruire avec ses mains. a le sens de détruire, d'épuisement, d'usure et de mauvais, néfaste. J'ai trouvé dans le Shin Kangorin une explication assez différente sur la clé. serait une déformation de (いぬ、chien), le kanji donnant l'idée de s'effondrer et de mourir comme un chien, une explication que l'on retrouve sur ce site. Difficile de savoir si le rapprochement entre et est justifié ou pas. Je suis toujours surprise de découvrir des étymologies aussi divergentes selon les dictionnaires. Il faut croire qu'il n'y a rien de scientifiquement tranché.

Reste , qui pose problème. désigne d'abord plusieurs éléments du culte shinto (ぬさみてぐらしでごへい) qui ont en commun d'être composés de petits papiers de soie découpés. Il a ensuite le sens d'offrande, de tribut, de présent fait à un invité. Egalement le sens de trésor et de monnaie (pièces). Bref, rien qui rappelle de près ou de loin l'idée de destruction associée à . Il semblerait que la présence de soit due à une substitution avec des éléments phonétiquement proches : pour les uns, il s'agit de , ハイ、offrir ; pour d'autres, il s'agit de , ヘイ、majesté, avec l'idée d'un autel à gravir pour offrir qqch à un souverain et par extension, à un dieu. Dans les deux cas, il s'agit de présenter, d'offrir avec respect, ce qui colle mieux au sens du kanji. En ajoutant la clé (tissu), on obtient ainsi, par une curieuse mutation de 拝/陛 en , l'idée d'un tissu offert aux dieux, d'offrande, etc. On peut supposer que le sens de "monnaie" dérive des piécettes jetées en offrande devant les temples.

Je constate une fois de plus que les étymologies ne sont pas toujours bien établies, que les pistes offertes sont parfois bien complexes, mais que l'enquête est toujours passionnante (quand on aime ce genre de choses, évidemment !). J'espère en tout cas que l'attention portée à ces trois kanjis me permettra désormais de vivre en paix avec eux. それでは、また。

mercredi 13 juillet 2016

さんぽ (promenade), le opening de Totoro

Je vous propose aujourd'hui une petite récréation, avec le gentil Totoro. Par très adulte, tout cela, mais un peu de légèreté ne fait jamais de mal. Vous trouverez ci-dessous la VO et la traduction.




歩こう歩こう 
わたしは元気
歩くの大好き 
どんどん行(い)こう
坂道 トンネル 草っぱら
いっぽん橋に 
でこぼこ砂利道
くもの巣くぐって 下り道

歩こう歩こう 
わたしは元気
歩くの大好き 
どんどん行こう
ミツバチ ブンブン 花ばたけ
日なたにトカゲ 
ヘビは昼寝(ひるね)
バッタが飛んで 
曲がり道

歩こう歩こう 
わたしは元気
歩くの大好き 
どんどん行こう
キツネも タヌキも 出ておいで
探険(たんけん)しよう 
林のおくまで
友だちたくさん うれしいな
 



Marchons (歩こう), marchons
j'ai (わたし) une pèche d'enfer (元気) !
j'adore ( 大好き) marcher (歩くの) 
marchons (行こう) d'un pas alerte (どんどん)
en pente (坂道), sous les tunnels (トンネル), à travers champs (草っぱら)
sur (に) les ponts en rondins de bois (いっぽん橋) 
sur les sentiers (砂利道 : chemin de graviers) cahoteux (でこぼこ) 
en passant sous (くぐって) des toiles d'araignées (くもの巣), sur les chemin qui descendent (下り道) 


Marchons (歩こう), marchons
j'ai (わたし) une pèche d'enfer (元気) !
j'adore ( 大好き) marcher (歩くの) 
marchons (行こう) d'un pas alerte (どんどん)
les abeilles (ミツバチ) bourdonnent (ブンブン= font buzz buzz) dans les champs de fleurs (花畑)
au soleil (日なた) les lézards (トカゲ) les serpents (ヘビ) font la sieste (昼寝)
les sauterelles (バッタ) sautent (飛んで) et le chemin serpente (曲がり道 = un chemin qui décrit une courbe)


Marchons (歩こう), marchons
j'ai (わたし) une pèche d'enfer (元気) !
même les renards (キツネも), même les tanuki (タヌキ)も sortent de leur cachette (出ておいで)
Explorons (探険しよう) les profondeurs
(おくのまで = jusqu'au fond) de la forêt (林=bois)
J'ai plein
(たくさん) d'amis (友だち), je suis heureux ! (うれしいな)

Bonnes vacances à ceux qui ont la chance d'en avoir, et bon courage à tous les autres !

jeudi 12 mai 2016

Etude des kanji 薦 et 慶

Je vous propose aujourd'hui une petite recherche étymologique sur le kanji (セン、すす-める). Ce dernier a de nombreux sens, mais certains sont peu usités :

Sens courants
  • recommander (le plus commun, celui qu'il faut retenir)
  • présenter, offrir
  • natte de paille

Sens peu courants
  • étendre
  • herbe (notamment l'herbe mangée par le bétail)
  • souvent

est composé du radical (くさ、herbe) abrégé en (くさかんむり) et de (un caractère chinois prononcé zhi4). Concernant , les explications varient quelque peu mais tout le monde s'accorde à dire qu'il s'agit d'un animal. Pour le Shingorin, il s'agit d'une bête ressemblant à un bœuf, mais avec une seule corne. On trouve la même explication dans le Grand Ricci, qui attribue à cet animal le nom de licorne (je me faisais une image plus gracieuse de la licorne !). Selon d'autres dictionnaires, il s'agit un animal sacré mi-cerf et mi-cheval (effectivement, si l'on croise 鹿, cerf et , cheval, on obtient ). Si vous donnez à un moteur de recherche, vous constaterez que les représentations sculptées vont du bœuf au dragon en passant par le lion, avec pour seule constante la corne unique. Quoi qu'il en soit, cette bête sacrée avait pour rôle, dans les jugements criminels, de discerner les coupables en leur flanquant un coup de corne.

Revenons à . Nous avons donc de l'herbe et une sorte de licorne sacrée. Le sens premier est assez naturellement celui d'herbe mangée par l'animal. Vu le rôle éminent de la bête, on imagine que cette herbe a été cueillie et préparée avec le plus grand soin avant de lui être offerte, d'où les sens d'offrir et de recommander (une herbe de choix). Enfin, le fourrage ainsi présenté constitue un tapis de paille, que l'on étend devant notre auxiliaire de justice. CQFD.

Un autre caractère utilise le radical : il s'agit de (ケイ、キョウ、よろこ-ぶ, joie, réjouissance, célébration) dont la clé est 心 (ce qui ne se devine pas au premier coup d’œil). Dans , a subi quelques transformations et prend surtout le sens de jugement. On lui a ajouté , avec le sens de bon cœur, cœur juste, marque utilisée par ceux qui avaient remporté un procès. A cela vient s'ajouter une paire de jambe, simple modification de la partie basse de , comme vous pouvez le voir au bas de cette page, dans les images retraçant l'évolution du caractère. En résumé, on se réjouit que la bête sacrée ait rendu un jugement favorable.

A noter que est un des deux caractères utilisés dans le prénom du dernier shogun Tokugawa 徳川慶喜 (とくがわ よしのぶ) : malgré ce prénom plein d'allégresse, il n'est pas sûr que l'histoire lui ait rendu justice, et il est certain qu'il n'a guère eu d'occasions de se réjouir. それでは、また。

dimanche 24 avril 2016

Etude du radical 堇 et des kanjis 勤、謹、饉 et 僅

Nous allons étudier aujourd'hui le radical , qui est utilisé dans de nombreux kanjis (pour citer les plus courants) avec de légères variations graphiques. Dans tous ces kanjis, il n'est pas utilisé comme clé mais comme 音符, la partie qui donne la prononciation ON du kanji. Puisqu'il se prononce principalement キン, on peut donc en déduire qu'un kanji comportant cet élément se prononce キン (bien entendu, on ne peut pas en déduire la prononciation KUN, ce serait trop simple !)

Mais que signifie ? A vrai dire, est lui-même un kanji (non usuel), qui a la terre comme clé. On lui donne pour sens :
  • glaise, argile
  • être respectueux, attentif, humble, avec une idée de sobriété et de restriction (même sens que 謹む)
  • enduire
  • en faible quantité, petit (même sens que 僅か)
Ce sont des sens que l'on retrouve dans le caractère chinois correspondant, qui se prononce jin ou qin (le ton varie en fonction du sens).

Si l'on se penche sur son étymologie, cela devient plus compliqué. J'ai trouvé deux explications fort différentes.

La première (celle du dictionnaire 新漢語林) donne comme étymologie (terre) + (jaune), avec l'idée d'une argile jaune qui peut servir d'enduit. Ce qui me gêne ici, c'est que l'évolution graphique donnée pour et celle donnée pour ne collent pas complètement.

La seconde est plus complexe : le caractère serait une représentation d'une prêtresse levant vers le ciel un récipient au-dessus d'un feu, dans un geste de prière destiné à faire tomber la pluie. Le caractère serait ainsi associé à la sécheresse et aux disettes qui s'ensuivent (d'où le sens de faible quantité). Selon cette explication, c'est en style sigillaire que la partie basse du caractère serait passé de feu à terre. Enfin, c'est tout récemment que la partie haute serait passée de 廿 à 廾.

Cette explication a le mérite de bien suivre l'évolution graphique et de donner une explication qui paraît plus complète. La source paraît moins fiable puisqu'il s'agit d'un site web, mais celui-ci s'appuie sur un livre qui est sans doute très sérieux (http://www.eonet.ne.jp/~onpu-jiten/), même s'il m'est bien difficile d'en juger. Je retrouve les mêmes explications relatives à la sécheresse dans la partie historique du dictionnaire Grand Ricci (chinois-français)

Si l'on conserve cette idée de sécheresse et de restriction, on explique facilement (faible quantité, petit), (, mot + , restriction et choix des mots pour s'exprimer avec respect, attention, sobriété, etc), , qui signifie famine (var. de , aliment + ). C'est un peu moins évident pour (cf. la page dédiée à つとめる). L'idée serait qu'en période de sécheresse, il faut néanmoins utiliser sa force 力 pour continuer à travailler la terre jusqu'à ce que la pluie revienne. 

Je peux difficilement savoir ce qui est étymologiquement juste ou faux, mais la seconde idée me paraissant plus efficace, c'est elle que j'adopte jusqu'à nouvel ordre. L'important, c'est sans doute de retenir que donne la prononciation キン à ses quatre kanjis et à quelques autres.

NB : attention, 勤 a une seconde prononciation ON, ゴン

lundi 22 février 2016

Quels éléments pour ne pas confondre 撤、徹

En révisant il y a quelques jours le caractère 徹 - appris il y a fort longtemps (2009) et somme toute peu croisé depuis - je me suis aperçue que je le confondais avec le caractère 撤, appris plus récemment (2012) mais guère plus fréquent. Car il y a des 常用漢字, qui ne me paraissent pas si 常用 que cela, faute peut-être de lectures suffisamment diversifiées. Ces deux kanjis ont de plus un sens assez abstrait, ce qui ne facilite pas la mémorisation, comme je l'ai évoqué ici.

撤 et 徹 (テツ dans les deux cas) diffèrent par leur clé (扌, la main, pour le premier et 彳, la marche, pour le second) mais ont en commun leur 音符, c'est-à-dire la partie qui porte la prononciation (même si elle n'est pas dépourvue de sens, comme nous allons le voir).

Ce 音符 est composé de 育 (イク、そだてる、そだつ、はぐくむ)qui évoque l'idée de croître, grandir, élever un enfant, et de 攵, forme abrégée de 攴 qui, en tant que radical, a le sens de frapper, contraindre. S'agirait-il d'une éducation à coups de trique ? Que nenni ! Car dans sa forme actuelle, le 音符 est le fruit d'une simplification qui masque l'étymologie du kanji. Il faut donc remonter dans le temps.

A l'époque où les caractères étaient gravés sur des os (écriture oraculaire), on avait à faire à 鬲 + 又. 鬲 c'est un bronze à trois pieds, comme il en existait dès le néolithique en Chine. 又, c'est une autre forme de la main. On a donc l'idée de prendre un récipient dans la main (afin de débarrasser la vaisselle après le repas, d'après le Shin Kangorin). C'est avec le style sigillaire que 鬲 + 又 deviennent 育 + 攵. Autant dire qu'il ne s'agit pas d'une simplification récente.

C'est aussi à cette époque que l'on ajoute 彳. On donne ainsi l'idée d'un alignement de récipients bien rangés jusqu'au bout (si je croise les explications de ce site avec celles du Shin Kangorin). De là, 徹 prend< le sens de "passer le long" pouvant aller jusqu'à celui de "passer au travers, percer", mais aussi le sens d'achèvement, de complétude (dans 徹底, par exemple).

Et 撤 alors ? 撤 est en fait une combinaison de 扌+ 徹 simplifié par le retrait de 彳. Il s'agit de prendre avec ses mains 扌 toute cette vaisselle alignée, pour la ranger, l'éliminer, la retirer. 撤 signifie donc retirer, enlever.

Ces deux kanjis ont un troisième camarade, 轍 (テツ、わだち), qui n'est pas classé parmi les kanjis courants. Au 音符 s'ajoute cette fois la clé 車 (véhicule, roue) pour signifier trace (de roue), ornière, avec l'idée de passer et repasser, jusqu'au bout, dans les mêmes ornières, voire dans les mêmes erreurs.

J'espère quant à moi que cette petite enquête me permettra de ne pas répéter les mêmes erreurs, et qu'il en sera de même pour vous. またね!

vendredi 25 décembre 2015

Fils emmelés : étymologie des kanjis 維 et 綻

Les deux derniers kanjis de cette mini-série sur les fils 糸 n'ont rien à voir l'un avec l'autre. Mon problème avec ceux-là n'est pas que je les confonds mais que je peine à mémoriser leur sens. Le premier parce qu'il est extrêmement abstrait, le second parce que je n'arrive pas à m'en former une image (et que je ne le croise pas très souvent).

維 (イ、つな) signifie corde mais n'est que peu employé dans ce sens concret. Le 音符 est ici le très courant 隹 (スイ), qui représente à l'origine un oiseau à la queue courte. Par assimilation phonétique 隹 a aussi pris le sens de "ancien", ce qui fait que ce radical est nommé ふるとり (litt. vieil oiseau). En ajoutant à cet oiseau un fil 糸, on obtient l'image d'un oiseau attaché, et au-delà, d'une corde tendue qui retient ou qui soutient (corde de tente, hauban). Selon les kanjis auquel il est associé, 維 peut avoir le sens concret de corde ou de fibre, ou les sens figurés de "lier" et surtout de "soutenir, maintenir, préserver", ou le sens plus figuré encore de chemin à suivre, de principal fondamental d'un pays, de l'univers (règle qui sous-tend, comme la corde, laquelle empêche aussi l'oiseau de s'envoler n'importe où)... Mais surtout, 維 peut avoir le sens de これ, c'est-à-dire d'un mot introductif qui met en valeur le mot qui vient après. Et c'est ce sens-là, assez éloigné de son étymologie, qu'il a dans 維新, qui signifie révolution, en particulier dans le cadre de la restauration Meiji. 維新 veut dire complètement nouveau, 維 apportant de l'emphase à 新. On peut difficilement faire plus abstrait, non ?

綻 (タン、ほころ-びる) signifie commencer à s'ouvrir, s'épanouir (pour une fleur), sourire (un large sourire avec la bouche entrouverte), mais aussi décousu, troué. Le 音符 est 定, qui ne se prononce pas du tout タン (mais テイ) et qui signifie décider, déterminer, fixe, immobile. Pour une raison que j'ignore - n'ayant trouvé aucune explication à ce sujet - 定 aurait ici le sens 旦, qui lui se prononce bien タン et signifie lever du jour (avec l'idée que celui-ci était jusque là caché). 定 évoquerait donc, dans ce cas précis, le dévoilement de quelque chose de caché. La clé 糸 ajouterait à cela l'idée de tissu : on a donc l'image d'un trou dans le tissu qui dévoile ce qu'il y a dessous, et par extension, tout idée d'ouverture qui dévoile quelque chose (les sentiments pour le sourire, le cœur d'une fleur pour la floraison, etc). Quel est le rapport entre 定 et 旦 ? Pourquoi la partie qui est censée porter la prononciation n'a pas la même prononciation que le kanji ? (et c'est la même chose en chinois, car j'ai regardé de ce côté-là aussi).  Honnêtement, je reste sur ma faim et mes points d'interrogation. Faute de mieux, je me contente de l'explication du dictionnaire. J'accueillerai avec plaisir tout éclairage complémentaire.

Voilà, fin de la série sur les fils emmêlés de la clé 糸. Evidemment, je n'approfondis pas ainsi l'étymologie de chaque kanji appris (j'aimerais le faire plus souvent, mais cela prend un temps fou). En général, je me contente d'une approche plus légère. Entrer dans ce degré de détail ne sert qu'à lever les difficultés lorsque cela rentre vraiment mal. Heureusement, la plupart de ces chers caractères se laissent retenir sans opposer trop de résistance. それでは、また。

lundi 30 novembre 2015

Fils emmelés : étymologie des kanjis 総 et 統

Souvent, le contexte de mémorisation des kanjis peut aider à les fixer en mémoire, surtout lorsqu'il est lié à la notion de plaisir (c'est valable pour tout ce que l'on cherche à retenir). Mais il arrive que cela ne suffise pas, surtout lorsqu'on apprend en même temps deux kanjis très similaires. C'est ce qui s'est passé pour moi avec 総 et 統. Je les ai appris ensemble en regardant 鋼の錬金術師 (Fullmetal Alchemist) - je dis "regarder" car je parle de l'anime et non du manga, que j'eusse été bien incapable de lire en VO en ce temps-là. Le personnage de Wrath est, dans ses fonctions officielles, appelé 大総統 (président, fürher). Aucun problème pour mémoriser le couple de kanjis et sa prononciation. Mais pendant longtemps, impossible de savoir lequel voulait dire quoi, ou comment prononcer l'un sans l'autre. D'où l'idée de faire un petit retour là-dessus.


総  (ソウ、す-べる) exprime l'idée de totalité, de généralité, l'idée d'agréger un ensemble de choses, d'unifier, et plus marginalement, l'idée de gouverner ce que l'on a ainsi rassemblé. Voici la forme ancienne du kanji  : 總. On voit qu'il a considérablement évolué ! 悤 est le 音符. La partie du haut, 囱, représente à l'origine une fenêtre de ventilation, qui fait circuler l'air. Ce caractère a également le sens de cheminée (qui rassemble toutes les fumées), qu'on retrouve dans la langue chinoise contemporaine. On le retrouve aussi dans les anciennes graphies de 窓 (まど,ソウ, fenêtre). Le cœur 心 ajouté en-dessous de 囱 apporte une nuance d'abstraction : de la cheminée ou de la fenêtre drainant l'air d'une pièce, on arrive à l'image d'un esprit agrégeant un grand nombre de choses (pensées, problèmes). 悤 a été simplifié en 忩, qui n'existe pas en tant que caractère autonome. Si l'on ajoute à cela le radical 糸, on obtient le sens de rassembler en liasse par un fil, à la façon d'un fusa (image ci-dessus), ふさ étant d'ailleurs une autre prononciation de 総. En résumé, on a donc un fil qui permet de rassembler à un agrégat de fils (sens concret), de choses ou de pensées, et de les contrôler.

統 (トウ、す-べる) a une prononciation KUN identique à celle de
総 et il exprime plus aussi l'idée d'unifier, mais plus à la façon d'un fil directeur (on le trouve dans lignage, unification...). Il prend aussi le sens de consolider, de gouverner et de totalité. Autant dire que les deux kanjis sont très proches et qu'avec leur clé commune, ils font vraiment tout pour être confondus ! Le 音符, à droite, est composé d'un abrégé de 育 (grandir, se développer, élever un enfant) et de 儿 (homme, jambes) : on a donc l'image d'un homme qui a bien grandi et tient sur ses jambes. D'où l'idée de complétude, d'achèvement, d'accomplissement, et au-delà celle d'être plein ou de remplir, de satisfaire (un besoin). C'est pourquoi 充 a aussi le sens d'allouer, fournir. En ajoutant à cette idée de complétude et de plein, le fil de 統, on obtient l'idée de fils rassemblés en grand nombre qui vont s'étendre pour unifier et contrôler comme un seul homme un ensemble plus vaste.

La prochaine fois, je vous parlerai de 維 et 綻, que je ne confonds pas, mais dont j'ai eu toutes les peines du monde à mémoriser le sens, trop abstrait pour ma pauvre petite cervelle terre à terre. それでは、また。

vendredi 6 novembre 2015

Fils emmelés : étymologie des kanjis 縛 et 締

Il y a des kanjis qu'on retient tout de suite et qui sont d'emblée nos amis pour la vie. D'autres qui refusent obstinément de se laisser mémoriser, ou qui se font un malin plaisir de semer la confusion, tels des jumeaux qui veulent faire tourner leurs parents en bourrique. Généralement, les kanjis dont le sens est très concret sont, me semble-t-il, plus faciles à retenir, même quand ils ne sont pas très courants. C'est ainsi que j'ai intégré sans trop d'efforts les kanjis pour (tanuki), (carpe) ou (poing), que je ne croise pourtant pas tous les jours. Il en est d'autres plus courants sur lesquels je me casse régulièrement les dents, parce que leur sens est un peu vague (image imprécise) et/ou proche d'un autre kanji.

Dans ce cas, il faut prendre le mal à la racine, identifier la cause de la confusion, et ré-apprendre le kanji avec une vision plus juste de son sens et de son histoire. Dernièrement, j'ai repéré en révisant plusieurs confusions sur des kanjis ayant comme clé 糸, le fil. Je vous propose de les démêler ensemble.

La paire qui va nous occuper aujourd'hui est 縛 / 締, que je mélange allègrement, quand ce n'est pas leur sens que j'oublie.

(バク、しば-る)signifie lier, ficeler, attacher, priver de liberté. est le 音符 (partie d'un kanji portant la prononciation). Cet élément est composé de , qui représente ici une main et de . dérive ici de , un caractère plus ancien qui signifie champ, un champ avec des jeunes pousses de riz (cf. les graphies anciennes), ce qui lui donne le sens figuré de commencement (jeunes pousses) et de vaste (comme le champ), sens que l'on retrouve dans le caractère chinois correspondant. Nous en resterons néanmoins au champ et aux pousses de riz. Sur le sens global de , j'ai trouvé des explications quelque peu divergentes selon les dictionnaires. Je vais m'en tenir à celle qui me paraît la plus simple et la plus claire (celle du Shin Kangorin) : représente des pousses de riz rassemblées dans une main. Si l'on ajoute à cela le fil de la clé, on obtient l'image d'une gerbe bien ficelée. CQFD.

  (テイ、しま-る、しめ-る) signifie également lier, attacher, avec une idée de fermeté et de tension, et aussi l'idée de clore (un débat, une rencontre). Le 音符 est cette fois plus facile à analyser : représente à l'origine un autel pour honorer les dieux, et notamment le dieu du ciel. a donc le sens de souverain céleste, et par extension, de souverain terrestre, puisque ce kanji signifie empereur. Pourquoi (fil)+ (souverain)= (attacher fermement) ? Il faut revenir à la graphie ancienne de (cf. lien ci-dessus) et aux trois pieds de l'autel qui sont fermement liés par une corde. C'est ce sens de fixer (sens propre ou figuré) qui est resté dans

La prochaine fois, je vous proposerai une autre paire et . それでは、また。



lundi 8 juin 2015

Le kanji 後 et ses prononciations

後 est un caractère extrêmement commun, mais il m'arrive encore d'avoir des doutes sur sa prononciation, hésitant notamment entre のち et あと. C'est pour y voir plus clair que je me penche aujourd'hui sur ce kanji.

Etymologie


後 est un kanji de 9 traits, composé de la clé de la marche 彳,  et de deux éléments : 幺 et 夊. Si je suis le Shin Kangorin (新漢語林), 幺 (fil) peut avoir le sens de fil qui relie, mais aussi de "enfance, infantile" (le sens qu'il a dans le kanji 幼). 夊 représente les jambes. L'ensemble montrerait une marche entravée par un fil (rattachant à l'enfance) qui la ralentirait.
後 peut effectivement se prononcer おくれる avec un sens proche du kanji 遅 (retard, traîner). Il a aussi le sens de quelque chose qu'on laisse derrière soi, avec la prononciation あと.

Prononciations


En se limitant aux lectures courantes, on a : 

音読み : ご, こう

訓用み : あと, うしろ, のち, おくれる

Notons d'emblée que des deux  音読み, こう semble être de loin la plus fréquente, mais s'il existe de nombreux mots composés avec ご et même あと.

Sens


Positionnement dans l'espace


Sens global : derrière, à l'arrière, ce qui est derrière le dos

Dans ce contexte, deux prononciations possibles, あと et うしろ et les définitions du dictionnaire donnent peu de nuances distinguant les deux. Cela ne pose pas trop de problème à la lecture, car うしろ/後ろ est identifiable à l'okurigana ろ. Pour l'expression, je dirais (au vu des exemples lus) que うしろ est la prononciation qui a le sens le plus matériel et physique.

Ex : 人の後ろに隠れる。 Se cacher derrière quelqu'un
Ex : 後ろから背中を押す。 Pousser quelqu'un par derrière, dans le dos

あと peut avoir le sens très concret de reculer

Ex : 私は一歩も後へは引かない Je ne reculerai pas d'un pouce

Mais il a surtout le sens de laisser derrière soi, notamment avec les expressions 後にする、後になる

Ex : 故郷を後にする Laisser son village/sa terre natal(e) derrière soi

Dans ce cas, la notion de "derrière" est moins immédiatement concrète qu'avec  うしろ, et rejoint le sens premier de あと, sur lequel je reviendrai plus tard.

Positionnement dans le temps


Sens global : futur, après, descendance, et même "vie après la mort" (bouddhisme)

Trois prononciations possibles : のち, あと, et ご

ご est une prononciation ON (音読み), elle est donc essentiellement employée dans des composés (熟語). Néanmoins, on la retrouve aussi dans その後(そのご)"après ça", "à partir de là" et quelques cas similaires.

Le plus difficile est de distinguer のち et あと. La solution la plus simple consiste à considérer que のち reflète un registre de langue plus soutenu, plus écrit, et que あと est plus commun. Beaucoup, Japonais compris, se contentent de cette distinction, et elle est assez opérationnelle. Maintenant, si on aime les détails, on peut essayer de creuser plus avant.

後 se prononce あと lorsqu'il signifie "après" avec comme point de référence le moment présent (ex. 1) ou un événement passé (ex. 2).
Ex 1 : 後「あと」で連絡します : je te contacterai plus tard.
Ex 2 : その1か月後「あと」母は亡くなった : ma mère est morte un mois après cela.

後 peut également se prononcer のち avec le sens de "après", mais plutôt dans le cas où un événement passé est pris comme référence.
Ex : 地震の後「のち」に大火があった : après le tremblement de terre, il y a eu un grand incendie
Ex : 講演が終わった後「のち」に討論会をします。 Après la conférence, il y a un débat.

のち peut avoir un sens de futur, d'avenir que n'a pas あと

Ex : 後「のち」の世のために、名作を残します。 Laisser un chef-d’œuvre pour les générations à venir.

Autre sens spécifique de のち celui de "après la mort"

Ex : 後のことを心配する Etre inquiet pour ce qui se passera après sa mort.

Autre distinction, lorsque 後 est suivi de で (後で), on prononce あと, et lorsqu'il est suivi de に, on prononce のち (il peut y avoir des exceptions)

Ce qui reste derrière soi


あと a un sens spécifique, qui relève autant du temps que de l'espace, et qui concerne ce qu'on laisse derrière soi : son village natal, comme cité plus, sa descendance, mais aussi un point en discussion

Ex : あとは天に任せる Pour le reste, il faut s'en remettre au ciel
Ex : あとのことはよろしく Je te confie la suite (c'est le contexte qui précise)
Ex : その家はあとが絶えた. Cette famille n'a plus de descendance


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Cela fait longtemps que je n'avais pas écrit un article de ce genre, et je comprends pourquoi j'avais arrêté. C'est fichtrement long, et un peu frustrant, car jamais complet (par exemple, je n'ai pas parlé de おくれる : si une bonne âme veut compléter...). J'ai au moins le sentiment d'y voir plus clair, j'espère que c'est aussi le cas pour vous. La prochaine fois, retour à la poésie.

Index en romaji : nochi, ato, okureru, ushiro, kou, go

mardi 12 mai 2015

Effort et persévérance

Le goût de l'effort est comme chacun sait très valorisé au Japon. J'ai déjà eu l'occasion de commenter quelques proverbes sur ce thème, mais je voudrais aborder aujourd'hui un peu de vocabulaire courant autour des notions d'effort, de persévérance et de détermination, qui sont très utilisées dans les manga, en particulier dans les shônen.

Effort


Effort se dit 努力, association du kanji , qui signifie en lui-même "faire des efforts" et de 力, la force. L'autre mot emblématique de l'effort à la japonaise, c'est bien sûr le verbe 頑張る, employé à toutes les sauces, et qu'on peut traduire de différentes façons selon la manière dont il est employé : à l'impératif 頑張ってください, c'est un peu l'équivalent de "Bon courage", "Je suis de tout cœur avec vous", éventuellement avec une nuance de "Je compte sur vous", selon le contexte. A la forme affirmative 頑張ります, c'est plutôt "Je vais faire de mon mieux", de préférence 一所懸命 , de toutes ses forces, de tout son coeur.

Quoi qu'il soit moins populaire et passe-partout que 頑張る, le verbe 鍛える est tout aussi intéressant. Au sens propre, il signifie forger du métal, pour faire une épée par exemple. Mais de même que le mot "forger" a en français le sens figuré de "forger le caractère", 鍛える peut s'employer pour tout type d'entraînement visant à s'améliorer, à atteindre un état de perfection plus grand, avec une idée d'effort et de discipline. Voici quelques exemples tirés de la meilleure littérature :

Ex : それだけのためにボク達は錬金術を鍛えてきたんだ。  C'est dans cet unique but que nous avons parfait notre alchimie. (Fullmetal alchemist)
Ex : ちゃんと鍛えてるから、おれのパンチは銃のように強いんだ。 Parce que je me suis bien entraîné, mon coup de poing est aussi puissant qu'un coup de fusil (One Piece)

Persévérance


La persévérance et l'endurance sont également des vertus très prisées, à l'image de tous ces héros qui en prennent plein la figure et persistent à se relever jusqu'à la victoire finale. Persévérance se dit 忍耐 ou encore 根気. Le premier mot est composé de deux kanji au sens similaire 忍 et 耐, qui signifient "endurer". A noter que 忍 a aussi le sens de "cacher". Le mot ninja 忍者 réunit les deux acceptions. Dans 根気, on a 気, esprit, précédé de 根 qui signifie "racine" et au-delà, "endurance".

Cette idée de persévérer malgré les difficultés, parfois en serrant les dents, on la retrouve dans l'expression 我慢する, qui évoque à la fois l'idée de supporter et de se contrôler. L'impératif 我慢してください a le sens difficilement traduisible de "Faites un effort pour accepter (les choses, une situation, etc)", avec, selon les circonstances, une nuance de "endure et tais-toi" ou "tiens bon".

Bien entendu, la détermination s'exprime aussi par le refus d'abandonner. Des expressions comme 諦めない(je n'abandonnerai pas)、絶対負けない (je ne perdrai pas) sont monnaie courante dans les manga.

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Voilà, c'est tout pour aujourd'hui. Je vais pour ma part persévérer dans la traduction du Hyakunin isshu. A bientôt pour un nouveau poème.

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lundi 28 octobre 2013

Déterminer la clé d'un kanji

Aujourd'hui, je vous propose un article dédié aux otaku des kanjis (ou à ceux qui passent le kanken). Entendez par là que si vous n'appartenez à aucune de ces catégories, il se peut que cet article ne vous soit d'aucune utilité, si ce n'est pour enrichir votre culture personnelle. En tout cas, il n'est absolument pas indispensable de maîtriser ce qui suit pour apprendre le japonais et les kanjis. Mais si vous êtes curieux de nature, どうぞ.

La question du jour est la suivante : comment déterminer la clé d'un kanji ? Je ne vous parle pas d'identifier les différents éléments qui le composent (même si c'est un préalable) mais de trouver, parmi eux, quelle est la clé ou plutôt le bushu (部首) puisque c'est ainsi que cela s'appelle en japonais.

A quoi ça sert, me direz-vous ? Pas à grand-chose, à vrai dire, si ce n'est à passer le kanken (une des épreuves consiste à déterminer la clé, dont il faut en outre connaître le nom japonais) ou à chercher efficacement dans un vrai dictionnaire de kanji (par ex, le 新漢語林 dont j'ai parlé ici), surtout un dictionnaire papier. On peut très bien s'en passer. Il existe des logiciels qui prennent en entrée un copier-coller, qui font des recherches sur n'importe quel élément du kanji sans se préoccuper de la clé ou qui reconnaissent un caractère écrit manuellement (mais il faut s'appliquer et respecter un minimum l'ordre des traits, tout de même).

Personnellement, si je me suis penchée sur cette question, c'est par amour de l'art. Dans la grande majorité des cas, on peut, avec un peu d'entraînement, deviner sans trop de problème quel est le bushu, car il s'agit souvent (mais pas toujours) de l'élément le plus simple et le plus évident. Par exemple, la clé de 懲 est 心、celle de 彩 est 彡. Mais il y a aussi de nombreux cas où on ne peut s'en tenir à cette simple observation. Ainsi le bushu de 酒 (sake) n'est pas 氵mais 酉; le bushu de 養 est n'est pas 羊mais 食. Ce constat m'a incité à chercher des règles (ma grande passion :-) ). Et j'en ai trouvé.

Pour commencer, vous pouvez lire ici une brève introduction sur les clés, une autre un peu plus complète sur ce site, et consulter une liste des clés classées par nombre de trait, avec leur nom en japonais (avec traduction ici).
La première règle, qui coule de source, c'est qu'un kanji qui figure lui-même dans la liste des bushu est sa propre clé. Ça paraît évident, mais il ne faut pas l'oublier : ainsi, le bushu de 骨 n'est pas 月 comme on pourrait le croire, mais 骨 lui-même, parce qu'il fait partie de la liste des bushu. La seconde règle, c'est que la partie du kanji qui en indique le sens est généralement la clé. Dans ce cas, il paraît logique que la clé de 酒 soit 酉(qui désigne en autres un récipient contenant de l'alcool). C'est particulièrement vrai pour les kanjis de type 形声. Quézaco ? Cela fait référence à la structure du kanji.


La composition des kanjis


Il y a quatre types de kanjis :
  • les idéogrammes (représentation d'une image) ou 「象形」, Ex : 山
  • ceux qui représentent une notion abstraite, appelés 「指示」 ou 「指事」 Ex : 四, 上
  • ceux qui assemblent deux unités de sens, appelés 「会意」 Ex : 男, qui assemble champ + force (parce que l'homme utilise sa force dans les champs)
  • ceux qui allient une unité sémantique avec un son 「形声」. Ex : 河 (fleuve), composé氵(élément sémantique)+ 可 (élément phonétique).

Cette dernière catégorie est la plus courante. La partie qui donne le sens est appelée 意符 et la partie qui donne le son 音符 (ou 声符). De manière tout à fait logique, les kanjis possédant le même élément phonétique se prononcent généralement de la même façon, comme je l'ai expliqué ici.

Déterminer la clé d'un kanji de type 形声


Dans la plupart des cas, c'est la partie sémantique qui constitue la clé du kanji. Par exemple :

- dans le kanji 観(regarder, condition, point de vue), le sens est donné par 見 (voir). Donc la clé est 見.
- dans le kanji 現 (apparaître, actuel), le sens est donné par 王, donc la clé est 王 (ou plutôt 玉, parce que 王 est rattaché à 玉).

Si l'on parvient à deviner quelle partie donne son sens au kanji, il est donc facile de trouver la clé. Encore faut-il savoir quelle est la partie sémantique... Si dans le premier cas (観), il semble assez logique que ce soit 見, dans le second (現), ce n'est pas du tout évident...

Pour pouvoir utiliser cette règle, il faut donc rapprocher les kanjis de même prononciation. Exemple :登 et 頭 ont tous les deux トウ comme on-yomi et 豆 comme élément commun. On peut en déduire que dans chacun de ces kanjis, la partie phonique est 豆. Comme l'élément phonique n'est pas la clé, alors, la clé, c'est ce qui reste 癶 pour 登 et 頁 pour 頭.

Si je reprends l'exemple de 養, je peux suivre le raisonnement suivant : 養 se prononce よう. Or 洋, 詳 se prononcent aussi よう (lecture ON). Donc 羊 est l'élément phonétique, et par conséquent le bushu n'est pas 羊 >mais 食. Elémentaire, mon cher Watson.

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Le but du jeu, vous l'aurez compris, est donc d'identifier la partie phonique, un peu plus facile à déceler que la partie sémantique. Je pourrais multiplier les exemples. Je pourrais sans doute aussi trouver des cas où cela ne marche pas. Evidemment, cela exige de bien connaître les prononciations et de faire une sacrée gymnastique. C'est pourquoi j'ai dit en introduction que cet article s'adressait aux otaku des kanjis et aux amateurs de kanken. Les plus motivés peuvent d'ailleurs aller lire en V.O. les articles dont je me suis inspirée pour rédiger ce post (vous pensez bien que je n'ai pas trouvé ça toute seule !) : l'un est très complet et l'autre plus esthétique et peut-être plus simple à comprendre.
Voilà, je ne sais pas si cet article sera utile à certains, mais pour ma part, j'ai pris beaucoup de plaisir à faire cette recherche et à m'immerger un peu plus dans le monde merveilleux des kanjis ! それでは、また。