mercredi 20 décembre 2017

Hyakunin isshu, poème n° 89 : 玉の緒よ



Nouveau poème d'amour féminin, de Shokushi (ou Shikishi) Naishinnô (式子内親王), disciple de Shunzei (poème 83) et fille de l'empereur Go Shirakawa. Le Shin Kokinshû (n° 1034) indique que ces vers ont été composés sur le très classique thème de l'amour caché.


玉の緒よ
絶えなば絶えね
ながらへば
忍ぶることの
弱りもぞする

(たまのをよ たえなばたえね ながらえば しのぶることの よわりもぞする) 

玉の緒よ : 玉, perle, 緒, fil, の relie les deux. Cette métaphore du "collier de perles" est utilisée en poésie pour désigner le fil de la vie ; よ est une interjection qui interpelle (Ô...) ;
絶えなば絶えね : 絶え, renyou-kei de 絶ゆ (絶える en langue moderne) - cesser d'exister, disparaître - est ici employé deux fois. Dans les deux cas, il est suivi de la particule ぬ (accompli), d'abord à la mizen-kei な, puis à la meirei-kei ね.  Dans le premier cas, elle est suivie de ば qui après une mizen-kei a le même sens qu'en japonais moderne (hypothèse, "si") : 絶えなば, "si  l'existence cesse" ; dans le second cas, ね a une valeur impérative donc 絶えね signifie "cesse". Les deux premiers vers donnent en somme : "ô mon existence, si tu dois cesser, cesse donc !". On trouve une idée similaire chez Izumi-Shikibu (1) et chez bien d'autres sans doute ;
ながらへば : nous avons déjà vu ce vers dans les poèmes 68 et 84 ; ながらへ est la mizen-kei de ながらふ, équivalent de ながらえる、vivre longtemps ; ば marque l'hypothèse, comme au vers précédent : "si je vis longtemps";
忍ぶることの : 忍ぶる est la rentai-kei de 忍ぶ, endurer et aussi cacher, souffrir en silence ; こと substantive le verbe, の marque ici le sujet (=が) ;
弱りもぞする : 弱り est la renyou-kei de 弱る, faiblir ; も et ぞ sont deux particules emphatiques. Mises ensemble, elles expriment l'anxiété vis-à-vis de conséquences négatives ("ce serait terrible si"). ぞ et する sont grammaticalement liés ; する est la rentai-kei de す (le する moderne) : "ce serait terrible si je faiblissais" => "je crains de faiblir".

Ô fil de mes jours
si tu dois te rompre, romps-toi !
si je dois vivre encore, 
de dissimuler je crains
de ne plus avoir la force


(1)  たえし比たえねとおもひし玉の緒の君により又おしまるゝ哉. Ce que René Sieffert traduit par "Lorsque vous rompîtes / que se rompe me disais-je / le fils précieux / de ma vie mais grâce à vous / je n'ai point voulu la perdre. (Izumi shikibu, Journal et poèmes, trad. R. Sieffert, POF, 1989, p. 85)

Index en romaji : tama no wo yo taenaba taene nagaraeba shinobu koto no yawari mo zo suru

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