Le Hyakunin isshu s'achève sur un poème de l'empereur Juntoku (順徳院), 84e empereur du Japon et 3e fils de Gotoba, auteur du poème 99. Juntoku a soutenu son père dans sa tentative de rébellion contre le shôgun et de restauration du pouvoir impérial. Il a ensuite connu 20 ans d'exil sur l'île de Sado. Ce poème (Shokugosenshû, n° 1205), composé avant ces événements (1216), n'en déplore pas moins le déclin du pouvoir impérial et le regret de toute une époque.
百敷や
古き軒端の
しのぶにも
なほ余りある
昔なりけり
ももしきや ふるきのきばの しのぶにも なおあまりある むかしなりけり
百敷や : 百敷 désigne la cour impériale (ce que R. Sieffert traduit littéralement par "Palais aux cent assises" et Michel Revon par "Palais aux cent pierres"), や est une interjection exclamative ;
古き軒端の : 古き est la rentai-kei de 古し, vieux (古い en langue moderne) ; 軒端, c'est l'auvent, la partie du toit en saillie par rapport aux murs d'un bâtiment ; の marque le complément de nom ;
しのぶにも : しのぶ est un jeu de mot entre シノブ, une sorte de fougère, très fortement associée, en poésie du moins, à l'idée de ruine, et 偲ぶ, qui signifie "se souvenir avec nostalgie" ; にも, "même dans" : même à propos des toits envahis de fougères, Juntoku trouve une source de nostalgie ;
なほ余りある : なほ (なお en langue moderne) signifie "cependant" ; 余りある (rentai-kei) exprime l'idée d'excès (généralement rapportée au souvenir, à la nostalgie) ;
昔なりけり : 昔, autrefois, c'est-à-dire au temps où l'empereur n'avait pas été dépossédé de son autorité par un shôgun ; なり (renyou-kei) est l'équivalent de である ; けり (shushi-kei) est exclamatif.
Je vous propose la traduction suivante :
Oh palais impérial !
Même ses vieux toits envahis
de fougères
raniment ma nostalgie
de ce glorieux passé.
****
****
Voilà, c'était le dernier poème du Hyakunin isshu. J'arrive au terme de la tâche que je m'étais assignée, non sans un pincement au cœur. J'ai connu des périodes d'enthousiasme et de franche lassitude, voire de profond découragement. Je suis heureuse d'avoir persévéré car j'ai fini par retrouver dans la traduction de ces poèmes le plaisir qui m'avait un moment abandonné.
L'étude de ce recueil m'a ouvert la porte de tout un univers poétique, littéraire, et historique dont la découverte a considérablement enrichi mon existence. C'est une expérience précieuse dont je sens l'influence à bien des niveaux. Je ne suis pas certaine de me lancer à nouveau un défi de ce genre, mais je continuerai assurément à lire et à traduire de la poésie japonaise, qui fait désormais partie de ma propre culture. またね !
Index en romaji : momoshiki ya furuki nokiba no shinobu ni mo nao amari aru mukashi nari keri
Index en romaji : momoshiki ya furuki nokiba no shinobu ni mo nao amari aru mukashi nari keri