lundi 4 novembre 2013

Hyakunin isshu : poème n° 2、春すぎて





Je poursuis aujourd'hui la présentation des poèmes du 百人一首 avec l'un des quatre tanka que le recueil consacre à l'été. Teika a puisé ce poème de l'impératrice Jitô (持統天皇) dans le Man'yôshû (livre I, poème 28, version légèrement différente), la plus ancienne des anthologies japonaises. De son palais, l'impératrice, qui régna par elle-même à la mort de son époux Temmu, pouvait observer le Mont Kagu et les changements de saisons...


春すぎて
夏来にけらし
白妙の
衣ほすてふ
天の香具山

(はるすぎて  なつきにけらし  しろたえの  ころもほすちょう  あまのかぐやま)


Commençons par une analyse du tanka :

春すぎて: 春, le printemps ; すぎ est la renyou-kei de すぐ, équivalent de la forme moderne すぎる, passer, dépasser, être terminé. て a un sens temporel : "et ensuite" ;
夏来にけらし : 夏, l'été. Pris dans son ensemble, 夏来にけらし est l'équivalent de 夏が来たらしい、"il semble que l'été soit venu". 来 (renyou-kei de く) a le même sens qu'en langue moderne : venir. に indique l'achèvement, け est une contraction de ける  (forme de  けり), qui en japonais classique (bungo) exprime le passé avec une nuance d'admiration ou d'exclamation. Enfin, らし est un équivalent archaïque de らしい ;
白妙の : équivalent de 真っ白, d'une blancheur éclatante, immaculée. Plus précisément 白妙 évoque un vêtement blanc dont la fibre est faite d'écorce de mûrier. C'est un 枕詞(まくらことば)(mot oreiller, j'y reviendrai tout à l'heure) destiné à mettre en valeur 衣. の marque le complément de nom
衣 : vêtement.
ほす : sécher (shûshi-kei).  On parle donc de robes blanches que l'on fait sécher, peut-être celles de la cérémonie du changement de robes qui a lieu au premier jour de l'été. Il pourrait aussi s'agir d'un tapis de fleurs de deutzies que l'on prendrait de loin pour du linge étendu. Parmi les traducteurs (René Sieffert, Joshua Mostow), la première interprétation l'emporte néanmoins.
てふ : forme abrégée de といふ、équivalent de という, "on dit que". Dans la version du poème présente dans le Man'yôshû, ce "on dit" est absent et l'observation est directe.
天の香具山 : nom d'un mont (de 152 m) situé dans la préfecture de Nara et dominant la plaine de Yamato. Le 天の (céleste) est dû à une légende racontant que cette montagne sacrée serait tombée du ciel. Le Mont Kagu est évoqué dès 2e poème du Man'yôshû avec la prononciation あめのかぐやま.

Comme promis, explication sur les mots-oreiller, traduction littérale de 枕詞(まくらことば). Il s'agit d'un groupe de mots déterminés, de 5 syllabes, placé devant un autre mot pour le mettre en valeur et donner une image concrète. C'est un peu l'équivalent de ce que nous appelons "épithète homérique", à cette différence près que les épithètes homériques sont le plus souvent associés à des noms propres (on trouve quand même "l'aurore aux doigts de rose"). Les mots-oreiller sont très communs dans la poésie japonaise classique, notamment à l'époque du Man'yôshû. Malheureusement, il n'est pas toujours évident de comprendre le sens qu'ils avaient à l'époque et beaucoup d'entre eux sont l'objet d'interprétations diverses et contradictoires, y compris au Japon.

Je vous propose la traduction suivante :

Le printemps s'éloigne
et l'été semble arrivé
On dit que les robes
d'un blanc immaculé sèchent
au céleste Mont Kagu.

Cette fois j'ai respecté le rythme du tanka 5-7-5 7-7, mais j'ai dû inverser les vers 3 et 4 pour respecter l'ordre du français... Pour finir, je vous laisse écouter le poème. それでは、また。


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