mardi 26 mai 2015

Hyakunin isshu, poème n° 29 : 心あてに





Oshikôchi no Mitsune (凡河内躬恒) fut l'un des compilateurs du Kokinshû et l'ami de Ki no Tsurayuki (poème n° 35). Son œuvre est très bien représentée dans les diverses anthologies impériales et une anecdote des Contes de Yamato (§ 132) montre l'estime qu'avait pour lui l'empereur Daigo. Le poème qui nous occupe aujourd'hui figure également dans le Kokinshû (n° 277).


心あてに
折らばや折らむ
初霜の
置きまどはせる
白菊の花

こころあてに おらばやおらん はつしもの おきまどわせる しらぎくのはな



心あてに : au hasard, au petit bonheur la chance ;

折らばや折らむ : 折ら, mizen-kei de 折る, a ici le sens de cueillir et se rapporte à 白菊の花, chrysanthème blanc. Le verbe est présent deux fois, d'abord suivi de la particule ば, avec un sens conditionnel ("si"), ensuite suivi de l'auxiliaire む, qui marquerait l'intention, la volonté. や introduirait un questionnement. On peut aussi lire ばや comme une seule particule, exprimant un vœu. Visiblement, les commentateurs japonais eux-mêmes s'interrogent et divergent à propos de l'interprétation de ce vers. Pas très sûre de moi sur ce coup-là, je suis allée vérifier ce qu'avaient compris des prédécesseurs plus qualifiés que moi. La traduction donnée par René Sieffert pour ces deux premiers vers n'est guère limpide : "Or à supposer que je les veuille cueillir, cueillies l'on croirait..." ??? Je comprends mieux la traduction du professeur Mostow : "Must it be by chance, if I am to pluck one, that I pluck it ?". Georges Bonneau donne : "Avec les yeux du cœur, les saurai-je cueillir ?" Quant à Michel Revon : "Si je voulais la cueillir, je la cueillerais à tâtons"...

初霜の : 霜, c'est le givre, 初 signifie ici premier, le premier givre de l'année. の a le sens de が ;

置きまどはせる : 置き (renyou-kei) a ici le sens de "se déposer" et se rapporte au givre. まどはせ est la meirei-kei de まどはす (惑わす en langue moderne) qui a ici le sens de "perdre de vue", "ne plus savoir où on va", bref, une idée de perte de repères. る est la rentai-kei de l'auxiliaire り, qui indique ici le résultat de l'action. Le givre a tout recouvert, provoquant une perte de repère ;

白菊の花 : 白, c'est blanc, 菊 chrysanthème et 花, fleur. Donc, chrysanthème blanc.

L'idée est donc qu'en recouvrant tout, le givre rend les fleurs blanches difficiles à discerner et que le poète ne sait plus très bien où tendre la main pour faire sa cueillette. 

Je vous propose de traduire l'ensemble ainsi :

Si j'en cueille une,
la cueillerai-je à l'aveuglette ?
les premiers givres
trompeusement les cachent
fleurs de chrysanthème blanc

Index en romaji : kokoro-ate ni oraba ya oramu hatsu shimo no oki-madowaseru shira-giku no hana

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Félicitations Lili, pour ce blog, riche en informations, bonne continuation