mercredi 15 mars 2017

Les formes verbales en bungo

En voilà un titre alléchant, n'est-ce pas 😏?

Dans mes explications sur les poèmes du Hyakunin isshu, je parle souvent de rentai-kei, mizen-kei et autres termes barbares qui servent à désigner les 6 formes (形, kei) verbales que peuvent prendre les mots variables (verbes, adjectifs, adjectifs verbaux, auxiliaires).

Ces formes existent en japonais moderne (sauf la izenkei), mais la façon quelque peu primesautière dont je me suis préoccupée de la grammaire jusqu'à ce que je me mêle de poésie fait que je n'avais jamais cherché à les identifier. Pour aborder la langue classique, j'ai dû faire un petit effort pour mieux comprendre les analyses que je trouve sur les sites japonais comme celui-ci.

Voilà donc une présentation sommaire des six formes verbales classiques. Les exemples sont tirés des poèmes du Hyakunin isshu ou de Classical Japanese, a grammar (Haruo Shirane) qui me sert de référence pour cet article. Dans les exemples je mets la forme verbale étudiée en gras et les auxiliaires/particules associés en rouge.

La mizenkei (未然形)


未然 signifie littéralement "pas encore accompli, arrivé" et sert donc à évoquer ce qui ne s'est pas encore produit. Cette forme verbale peut être suivie d'auxiliaires ou de particules marquant l'intention, la conjecture ou le désir (じ、む、むず、まし、まほし、 なむ、ばや、なむ), l'hypothèse (ば) ou la négation (ず).

Ex : さしも知らな (vous ne savez sans doute à quel point) (poème 51) => spéculation négative
Ex : ひとりかも (vais-je dormir seul ?) (poème 3) => conjecture
Ex : 月なく、雪も降ら (il n'y a pas de lune et la neige ne tombe pas) (Journal de Sarashina) => négation


La renyôkei (連用形)


連用 évoque l'idée de continuité. La renyôkei est donc utilisée pour une action en cours ou déjà accomplie. Dans le premier cas (action en cours, continue) elle sera suivie de particules comme て、つつ、ながら. Dans le second cas (action accomplie), on trouvera les auxiliaires き、けり、けむ、つ、ぬ、たり)

Ex : 夜は燃え昼は消えつつ (qui brûle la nuit et disparaît le jour, encore et encore) (poème 49) => succession et réitération (つつ)
Ex : 風のかけたるしがらみ (le barrage que le vent a placé [en travers de la rivière]) (poème 32) => action accomplie. かけ (renyou-kei) est suivi de たる, qui est lui-même la rentai-kei de l'auxiliaire たり et détermine しがらみ.


La shûshikei (終止形)


終止 signifie final, ce qui termine (c'est aussi la forme dite "du dictionnaire"). A la fin d'une phrase, cela indique que l'action a lieu dans le présent. Suivie des auxiliaires べし、めり、らむ、らし、なり cela permet de spéculer sur le présent.

Ex : 雲のいずこに月宿るらむ (la lune doit s'être abritée dans quelque nuage) (poème 36) => spéculation sur une situation présente
Ex : いささかに雨降る. (la pluie tombe faiblement) (Ki no Tsurayuki, Journal de Tosa) => action dans le présent.

La rentaikei (連体形)


Cette forme modifie / détermine le nom ou pronom qu'elle précède.

Ex : 憂きものはなし (il n'est pas de chose plus triste) (poème 30)
Ex : 夜の明くる間は (le moment où le jour se lève) (poème 53)

La izenkei (已然形)


已然 signifie déjà réalisé. Cette forme s'utilise donc pour une action accomplie, souvent suivie par ば (sens causal ou temporel) ou ど・ども (mais, bien que)

Ex : 月見れ (quand je regarde la lune) (poème 23) => sens temporel
Ex : 遠けれ (parce que c'est loin) (poème 60) => sens causal

La meirei-kei (命令形)


命令 signifie ordre, il s'agit donc de l'impératif.

Ex : 人には告げよ海人の釣船 (va leur dire, ô barque de pêcheur !) (poème 11)

****

Bien entendu, chacune de ces formes verbales a d'autres emplois et il existe toute sorte de chinoiseries (ou de japonaiseries !) que je me garderai bien d'évoquer ici. Disons qu'il s'agit là d'un kit de démarrage à approfondir au fur et à mesure, quand le besoin s'en fera sentir ! またね!

Bibliographie : 

PIGEOT Jacqueline, Manuel de Japonais classique, Initiation au bungo, L'asiathèque, 2004 
SHIRANE Haruo, Classical Japanese : A Grammar, Columbia University Presse, 2005

Aucun commentaire: