samedi 18 janvier 2014

Geonbae, le Mondovino coréen

Une fois n'est pas coutume, je vais aujourd'hui vous parler d'un manhwa, un manga coréen, écrit par Kim Young-bin et dessiné par Hong Dong-kee. J'ai découvert le premier volume de Geonbae il y a près d'un an, chez mon libraire préféré. Il traînait sur une étagère, au ras du sol, sans distinction particulière. En le feuilletant, je me suis dit, "tiens, ça change". Et effectivement, je n'avais encore jamais lu de manga sur ce thème-là, traité
de cette manière-là. De quoi s'agit-il ? D'alcools traditionnels coréens. Un sujet assez pointu dont je ne connaissais rien et qui a priori ne m'intéressait pas plus que ça. Avec un thème comme celui-là, on pourrait s'attendre à un équivalent des Gouttes de Dieu (que je n'ai pas lu) ou, dans une veine plus humoristique, à un Yakitate Japan version saké, avec concours et dégustations extatiques toutes les deux pages (j'aime beaucoup Yakitate Japan, qui m'a bien fait rigoler). Geonbae, tout en laissant une bonne place à l'humour (et même à quelques dégustations extatiques) va un peu plus loin que cela. Au-delà de la question de l'alcool, on y trouve une vraie réflexion sur l'identité coréenne et la mondialisation.

Synopsis


Tae-Gyeong est une jeune réalisatrice de documentaire, spécialisée dans les questions culinaires. Son dernier reportage a eu du succès et son producteur lui demande de rééditer l'exploit avec un documentaire sur les alcools coréens, un sujet auquel elle ne connaît strictement rien, mais qui va s'avérer passionnant. En explorant le monde des alcools, Tae-Gyeong va redécouvrir certaines spécificités de son pays et comparer les modes de production. Son guide et initiateur, Dong-Il, est un homme d'une quarantaine d'années, jadis créateur d'un alcool à succès qu'il renie plus ou moins, cherchant désormais à produire un breuvage authentiquement coréen. Mais qu'est-ce qu'un alcool authentiquement coréen ?

Commentaire


Certains d'entre vous connaissent peut-être Mondovino, un documentaire de Jonathan Nossiter sorti en 2004. On trouvait dans ce film une passionnante réflexion sur le vin, sa production, son goût, mais aussi sur l'identité des vins français face aux productions étrangères et notamment californiennes. Geonbae, qui se présente à juste titre comme "un panorama réjouissant des alcools coréens", m'a fait maintes fois penser à ce documentaire. On y trouve le même type de réflexion sur le goût, les additifs, l'authenticité, les terroirs, la confrontation entre petits producteurs artisanaux et producteurs industriels. Geonbae s'interroge aussi sur l'identité des alcools coréens vis-à-vis des alcools japonais, en se cristallisant notamment sur la question des ferments (nuruk coréen versus kouji japonais). Si la réflexion se limite apparemment aux alcools, on sent bien que la recherche d'authenticité des différents protagonistes pose la question de l'identité coréenne, vis-à-vis du Japon comme de la Chine.
Tout cela paraît bien sérieux, mais la question est traitée avec beaucoup d'humour et les personnages sont plutôt attachants, qu'il s'agisse de Tae-Gyeong, avec ses émois amoureux et son ivresse dès la 1ere coupe de makgeolli, de Dong-Il avec son faux air de GTO, du producteur ou encore du vieux dragon qui garde jalousement la recette d'un alcool divin. Je ne connais pas la fin de l'histoire, car le quatrième et dernier tome n'est pas encore paru, mais je me suis surprise à me passionner pour des débats qui me concernent pourtant assez peu (nuruk ou kouji ?), peut-être parce qu'ils sont le reflet de problématiques plus vastes qui, elles, m'intéressent beaucoup (qualité des produits alimentaires, caractère local des productions, etc).

****

C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'ai lu les 3 premiers volumes de Geonbae, malgré un dessin qui s'appuie un peu trop sur la photographie à mon goût. J'espère que les Editions Claire de Lune continueront à publier des manhwa et manga de cette qualité.

1 commentaire:

Bidib a dit…

j'avais repéré ce titre des ça sortie mais j'hésité à me lancer à cause de son sujet très pointu. J'vais peur d'être complètement larguée ou de m'ennuyer. Ton commentaire me donne envie de tenter l'expérience.