Voici encore un poème d'amoureux transi, composé par Taira no Kanemori (平兼盛), un des trente-six grands poètes, à l'occasion d'un concours de poésie de 960, dont il fut désigné vainqueur par l'empereur lui-même. Ce texte, publié dans le Shûishû (n° 622), est également cité dans le Dit des Heiké (平家物語) (1).
忍ぶれど : on retrouve ici le 3e vers du poème n° 39. 忍ぶれ est la izen-kei de 忍ぶ. Cette forme verbale est requise par le ど qui vient après, et qui a une valeur concessive (bien que). 忍ぶ a ici le sens de dissimuler ;
色に出でにけり : 色 signifie normalement couleur, mais prend ici le sens d'expression du visage, d'attitude ; 色に signifie donc, sur mon visage, à mon visage ; 出で est la renyou-kei de 出づ, sortir (出る en langue moderne). に est la renyou-kei de l'auxiliaire verbal ぬ et exprime ici l'achèvement de l'action. けり marque l'exclamation (il est un peu l'équivalent ici d'un しまった !). Ce que l'amoureux transi tente de cacher se voit donc comme le nez au milieu de la figure ;
わが恋は: わが, je, mon. 恋, amour, désir, は marque le thème. C'est l'objet de tout ce qui précède ;
ものや思ふと : 思ふ, penser (rentai-kei, 思う en langue moderne). 物思い désigne le fait de rêvasser, d'être pensif, préoccupé voir tourmenté. Le や qui s'intercale entre もの et 思ふ marque l'interrogation (équivalent de か). と est un と de citation, relié à 問 au vers suivant ;
人の問ふまで : 人 désigne "les gens", ceux qui entourent le poète ou le croisent. の est ici l'équivalent de が et marque le sujet. 問ふ, demander, s'enquérir (rentai-kei, 問う en langue moderne). まで a ici le même sens que ほど, au point que : "au point que les gens demandent..."
En résumé, le pauvre garçon est si visiblement perturbé par son amour que les gens qu'il croise lui demandent ce qui l'absorbe et le tracasse ainsi. D'après le professeur Mostow, ce poème a fait l'objet d'éloges pour son aspect conversationnel. C'est cette réflexion qui m'a fait opté, après beaucoup d'hésitation, pour le style direct dans le dernier vers.
忍ぶれど
色に出でにけり
わが恋は
ものや思ふと
人の問ふまで
(しのぶれど いろにいでにけり わがこいは ものやおもうと ひとのとうまで)
色に出でにけり
わが恋は
ものや思ふと
人の問ふまで
(しのぶれど いろにいでにけり わがこいは ものやおもうと ひとのとうまで)
忍ぶれど : on retrouve ici le 3e vers du poème n° 39. 忍ぶれ est la izen-kei de 忍ぶ. Cette forme verbale est requise par le ど qui vient après, et qui a une valeur concessive (bien que). 忍ぶ a ici le sens de dissimuler ;
色に出でにけり : 色 signifie normalement couleur, mais prend ici le sens d'expression du visage, d'attitude ; 色に signifie donc, sur mon visage, à mon visage ; 出で est la renyou-kei de 出づ, sortir (出る en langue moderne). に est la renyou-kei de l'auxiliaire verbal ぬ et exprime ici l'achèvement de l'action. けり marque l'exclamation (il est un peu l'équivalent ici d'un しまった !). Ce que l'amoureux transi tente de cacher se voit donc comme le nez au milieu de la figure ;
わが恋は: わが, je, mon. 恋, amour, désir, は marque le thème. C'est l'objet de tout ce qui précède ;
ものや思ふと : 思ふ, penser (rentai-kei, 思う en langue moderne). 物思い désigne le fait de rêvasser, d'être pensif, préoccupé voir tourmenté. Le や qui s'intercale entre もの et 思ふ marque l'interrogation (équivalent de か). と est un と de citation, relié à 問 au vers suivant ;
人の問ふまで : 人 désigne "les gens", ceux qui entourent le poète ou le croisent. の est ici l'équivalent de が et marque le sujet. 問ふ, demander, s'enquérir (rentai-kei, 問う en langue moderne). まで a ici le même sens que ほど, au point que : "au point que les gens demandent..."
En résumé, le pauvre garçon est si visiblement perturbé par son amour que les gens qu'il croise lui demandent ce qui l'absorbe et le tracasse ainsi. D'après le professeur Mostow, ce poème a fait l'objet d'éloges pour son aspect conversationnel. C'est cette réflexion qui m'a fait opté, après beaucoup d'hésitation, pour le style direct dans le dernier vers.
J'ai beau le cacher
il se lit sur mon visage...
tel est mon amour,
au point que l'on me demande
"Qu'est-ce qui vous trouble ainsi ?"
il se lit sur mon visage...
tel est mon amour,
au point que l'on me demande
"Qu'est-ce qui vous trouble ainsi ?"
(1) : Je cite le passage, dans la trad. de René Sieffert, car il donne une bonne idée du rôle de la poésie dans la vie quotidienne de la cour impériale :
"Après quoi le Souverain [Takakura Tennô], sur un mince papier vers aux teintes profondes, se plut à tracer ce poème, encore qu'il fût ancien, qui lui était revenu à l'esprit :
J'ai beau le cacher
au grand jour s'est révélé
mon désir d'amour
au point que l'on me demande
ce qui cause mon souci
Ce griffonnage, il le confia au Capitaine de Reizei Takafusa, et le fit porter à ladite Demoiselle Aoï." (Le dit des Heiké, livre 6, tr. René Sieffert, Verdier Poche, 2012, p. 394)
Index en romaji : shinoburedo iro ni ideni keri waga koi ha mono ya omou to hito no tou made
2 commentaires:
Merci pour toutes ces traductions si pertinentes.
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